Chapitre 57: Théa, Marie, June.

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Dimanche, domicile Rogers...

À deux heures du matin, Théa se réveilla en sursaut, le front perlant de sueur, le cur battant la chamade et la gorge nouée de douleur. Elle venait de faire un cauchemar. Dans celui-ci, la jeune femme avait vécu la mort de son père comme si elle y avait assisté de loin, voyant une ombre imposante et affreuse lui trouer la peau à coups de feu tout en éclatant de rire. Sa mère criait agenouillée près du corps de son époux dans une grande flaque de sang, puis tout le tableau prit une teinte rouge et Marie s'effondra sur l'autre buste inerte, à cause d'une balle tirée en plein cur. Le regard écarquillé d'horreur et la poitrine emplie de haine et de rage folle, Théa avait crié comme une démente et s'était ruée sur le meurtrier avec une arme - dont elle ignorait la nature - en main ; et avant qu'il n'y ait une suite à ce geste, elle s'était brusquement réveillée.

La jeune femme se leva dans la pénombre de sa chambre et s'en alla au couloir après avoir enfilé des pantoufles et recouvert ses épaules raidies d'un châle épais. Munie d'un chandelier allumé, elle resta adossée sur un mur en respirant profondément, avant de marcher pour s'arrêter devant une porte à quelques pas de là. Hésitante, elle attendit un peu et frappa de discrets coups. N'ayant aucun retour, la brune poussa le battant et s'introduisit dans la pièce où son amie - sa cousine - semblait endormie. Elle ferma la porte dans son dos, déposa sa source de lumière sur la table de chevet et s'assit obliquement au bord du grand lit. Couchée sur le côté, son amie lui tournait le dos, les cheveux roux tenus dans une grande natte, la tête enfouie dans les oreillers.

- Vous aussi n'arrivez guère à dormir ? s'enquit la voix de June.

Peu surprise, Théa se contenta de sourire en lissant le bas de sa robe de chambre. Sa gorge était sèche, ses membres courbaturés, et son palais amer.

- Alors ? insista la rousse.

- J'y suis arrivée les premières heures, expliqua-t-elle, jusqu'à il y a peu, lorsqu'un cauchemar a su y mettre fin.

- Je vois, ce n'est pas de chance.

- En effet.

- Votre mauvais rêve était-il en rapport avec l'histoire terrible que vous m'avez racontée hier soir ?

- Pourquoi cette question ?

- Eh bien... Parce que n'importe quel enfant aurait été très remué, voire traumatisé d'apprendre que son père a été froidement abattu avant sa naissance, et ce, devant sa mère et par son propre oncle. Il y a de quoi en faire des cauchemars.

- Je ne suis pourtant plus une enfant, je devrais être plus forte.

- Vous l'êtes déjà assez pour garder tout le sang-froid qui est vôtre actuellement. Croyez-moi.

- Mon calme n'est qu'apparence. Dans le fond je suis furieuse.

- Je le sais bien. Une impulsive, comme moi par exemple, aurait déjà commis plusieurs dégâts avant de s'apaiser quelque peu.

- Sauf que j'ai promis à ma mère et mon oncle de me ressaisir. Ils veulent mon bien et je ne suis point en droit de les décevoir, je sais que leurs raisons sont les bonnes. Agir déraisonnablement ne ramènera guère mon père à la vie.

- Je suis tellement désolée, Théa.

- Merci, chuchota celle-ci.

- Ma chère, je suis rassurée que vous restiez raisonnable malgré un tel choc. Dompter l'ébullition qui règne en vous réclame une force que fort peu de personnes seraient à même de gérer.

- Si vous le dites... murmura-t-elle pensivement. L'oncle Alfonse a décidé d'effacer toute sa rancune envers ma mère.

- En toute franchise, d'après moi, Mme Rogers mérite largement d'être épargnée de son animosité. Certes, je le comprends, mais elle a suffisamment souffert ainsi.

Les Rebelles De Londres [Histoire Terminée Et Éditée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant