Chapitre 14 ✅: June, Iris, June.

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Kensington Quarter, 12h04...

- C'était horrible à chaque fois, je me sentais vide après, j'avais le sentiment de ne valoir rien et je ne savais pas où aller, racontait Madeline Connor d'une voix tremblante. J'ai bien parlé à une amie du quartier, mais elle disait que c'était normal, qu'il fallait supporter ce traitement parce qu'en étant une femme, je n'avais pas le choix.

Mlle Rogers était assise au bord du lit qu'occupait la blessée et prenait des notes dans un bloc-notes tandis que June était assise sur une chaise haute placée en face de la pensionnaire. Les deux collègues écoutaient cette pauvre femme parler, le cœur empli de peine, de compassion et de colère. Elles réalisaient à quel point être une femme confiante et épanouie dans une société qui faisait tout pour vous dominer, vous briser, vous infantiliser, pouvait être difficile. Madeline n'était en fait qu'un exemple parmi des milliers d'autres dans le monde qui subissaient ce type de violence quotidiennement.

- Alors selon elle, le fait d'être mariée à un individu justifierait le fait qu'il prenne votre corps de force, vous rabaisse moralement et vous batte quand l'envie l'en prend, est-ce bien cela ? récapitula June d'une voix sobre.

Son interlocutrice était assise sur le lit, adossée à deux oreillers superposés, les mains crispées sur ses draps qui la recouvraient jusqu'aux reins et le regard perdu dans le vide. Elle semblait revivre d'une certaine manière les atrocités qu'elle avait subies mentalement. La tuméfaction de son visage avait diminué et il était facile de voir qu'elle n'avait guère plus de vingt-cinq ans malgré la lassitude qui marquait ses traits. La fameuse vieillesse rapide des femmes était essentiellement due à une vie entière de soumission et de frustration, plutôt qu'à des phénomènes hormonaux. C'était il y a une heure que le médecin l'avait consultée et il avait conclu que son état évoluait pour le mieux tout en félicitant ceux qui lui avaient procuré des soins.

- Oui, répondit-elle finalement, en fait c'est ce qu'on apprend depuis petites. Nos parents nous disent que les femmes qui se marient sont les plus chanceuses parce qu'elles sont respectées, ont un toit et de l'argent pour tenir la maison qu'elles peuvent utiliser en partie pour se faire belle quand c'est possible. Donc, si dans le mariage leurs conjoints manifestent des désirs qu'elles ne supportent pas, il faut accepter d'endurer cela pour ne pas les contrarier et prendre le risque d'être expulsées du domicile.

- Ah ! La sécurité d'une maison et le fait d'être bien vu en société. Dites-moi, vous sentiez-vous en sécurité chez lui ?

Madeline eut un sourire amer, puis un geste négatif de la tête.

- J'avais tout le temps peur qu'il ne me mette dehors et je sentais que ça allait arriver tôt ou tard. J'avais également peur de mourir très jeune et de ne pas connaître un jour le bonheur ou une réelle sécurité. En plus, je n'étais pas plus respectée que les autres femmes parce que j'étais mariée, loin de là ! Tout le monde savait que je ne valais rien aux yeux de cet homme. Il ne me parlait pas avec respect, que ce soit devant les gens ou non.

- À votre avis, pourquoi vous a-t-il épousée s'il ne vous aimait pas, Madeline ?

Cette dernière haussa les épaules d'un air égal et résigné.

- Il avait besoin d'une personne assez désespérée pour exécuter ses quatre volontés sans jamais se plaindre. Il appréciait que je sois d'accord avec tout ce qu'il disait, que je lui fasse des éloges en me rabaissant, que je fasse semblant de ne rien voir de tous ses défauts, expliqua-t-elle avec amertume. Je venais de fuir la maison de mon père alcoolique et violent en imaginant que je serais bien plus heureuse chez un autre homme. Mais j'ai vite compris que j'avais quitté un bourreau pour un autre et j'ai joué les aveugles pour supporter cette situation.

Les Rebelles De Londres [Histoire Terminée Et Éditée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant