Chapitre 6.

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Le manoir du bois de la Reine possédait un immense jardin, entièrement clos, qui donnait sur la forêt. Entretenus avec soins, ils devenaient au printemps, l'un des plus beaux jardins de la capitale, capables de rivaliser avec ceux du palais royal. Les fleurs y fleurissaient par centaine, laissant leurs parfums envoûtants s'envoler, transformant l'endroit en un temple de beauté et de splendeur.

Certains le comparaient même au Jardin divin, lieu dans lequel se retrouvaient les morts après leur trépas, lorsqu'ils avaient été généreux. Selon la Foi, la religion que se partageaient le royaume de Navarie, le duché d'Irigua et les îles Réïdes, majoritaire sur le continent, il existait deux dieux. Celui du bien et celui du mal, régnant côte à côte sur leur trône céleste. Ils avaient à leur service une armée de saints et de démons, des esprits bons ou mauvais qui erraient parmi les hommes pour faucher leurs âmes. Les généreux allaient alors au Jardin divin, et les malveillants au puit des ténèbres.

Si Aleksi était parfaitement conscient que la réalité était loin d'être aussi manichéenne, il acceptait sans hésitation d'admettre que l'eden dans lequel il évoluait en cet instant ressemblait bel et bien à un paradis.

À la recherche de Mara Meravigliosa, il savait exactement où la trouver en ce jour rayonnant de printemps. Guidé par son instinct, ses démons intérieurs quelque peu apaisés par l'environnement idyllique, il atteint enfin la roseraie, située au sud du domaine, bien plus exposé au soleil.

C'est là qu'il trouva la duchesse.

Un instant, il ne fit pas connaître sa présence, se contentant de l'observer.

Elle était assise dans le jardin, sur une nappe étendue sur l'herbe. Sa robe d'un rouge vif était étendue autour d'elle, en corolle, faisant écho à la teinte des fleurs qui s'épanouissaient dans la roseraie. Si les roses n'étaient encore que des boutons à peine fleurit, rougeoyant dans les bosquets émeraude ; les jacinthes, les tulipes, le myosotis, les narcisses, les agapanthes... tous avaient éclot et offraient au regard d'un soleil doux le spectacle de leurs pétales aux teintes différentes.

Saisit par ce tableau presque irréel, Aleksi esquissa un pas en avant, une brindille craquant sur sa botte. Mara releva la tête. Aussitôt, ses yeux d'un bleu transperçant, approfondi par le cercle noir qui les sertissait, se posèrent sur lui.

« Aleksi...

Elle lui offrit un sourire resplendissant, si sincère qu'il dut lutter pour ne pas le lui rendre. Il se plaisait à croire qu'il n'y avait qu'avec lui qu'elle se montrait parfois réellement honnête, sans masque ni faux semblants. Mais il n'était pas aussi naïf.

Cela ne l'empêchait cependant pas de chérir à sa manière ces brefs instants volés où il pouvait jouir de sa présence fascinante.

— Ma Dame... répondit-il, s'inclinant respectueusement face à elle.

Elle invita le mercenaire à s'asseoir à ses côtés. Il n'y aurait personne pour les espionner dans la roseraie de la duchesse.

Gardant une distance convenable, il s'accroupi sur le tissu brodé. La noirceur de ses vêtements contrastait avec la toile colorée qu'offrait le jardin. Décidemment, même ici, tout semblait vouloir lui rappeler le fossé infranchissable qui le séparait de son but le plus ardant.

— Je suppose que tu n'es pas venu pour simplement te balader parmi mes fleurs... s'enquit la Meravilgiosa, un sourire mutin aux lèvres, d'humeur taquine.

Le brun secoua la tête de gauche à droite, négativement. De toute façon, il n'y avait qu'une fleur qu'il aurait aimé cueillir et elle lui était interdite. Passant une main nerveuse sur sa nuque, il soupira :

Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant