Chapitre 16.

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Aleksi écarquilla des yeux en découvrant le salon d'honneur du manoir entièrement saccagé. Des débris de verre trainaient au sol, les tentures et les tapisseries avaient été arrachées des murs et une chaise avait même été renversée. C'était le chaos. Un véritable chaos. Et tandis que les domestiques s'affairaient autour de lui, il sentit les griffes de l'inquiétude se refermer sur lui, tel un venin amer qui venait empoisonner son esprit et raviver la flamme de la culpabilité. Un instant, son cœur rata un battement et une angoisse sourde afflua dans ses veines.

Se précipitant vers la Fersen, qui dirigeait le nettoyage, il interrogea abruptement :

« Que s'est-il passé ?

La cuisinière se tourna vers lui, poing sur les hanches. Elle semblait contrite, son visage d'ordinaire si jovial marqué par la lassitude. Le mercenaire crut que le pire s'était produit et déjà il se sentit perdre l'équilibre. Juste avant que la femme ne soupire, épongeant son front humide :

— C'est la duchesse. Elle a tout cassé et ensuite, elle s'est enfermée dans ses appartements. »

Le soulagement qu'il éprouva aussitôt fut vif bien que de courte durée. L'espace d'un instant, il avait cru qu'ils étaient venus et qu'il s'était déjà emparé d'elle.

Toutefois, si ce n'était pas encore le cas, à cause de son acte, cela ne saurait tarder.

Électrisé, il tourna des talons pour quitter le salon. Dans son élan, il fit à peine attention à Sigrid qui se tenait non loin. Tout son esprit était obnubilé par Mara. Et seulement Mara.

Il gravit les escaliers à toute vitesse, plus rapide que le vent, poussé par un sentiment indescriptible. Incapable de formuler une suite de pensée cohérente, tout se résumait à l'instant présent. En un rien de temps il était parvenu à l'entrée des appartements de la duchesse, dans la tourelle principale du manoir.

La porte était fermée. Mais il n'avait pas besoin de clé pour l'ouvrir. De l'autre côté, tout était silencieux. Un silence glaçant, mortel.

Sa main gantée se posa sur la poignée. Mais il hésita soudain avant d'appuyer sur celle-ci. Il ne savait pas exactement ce qui l'attendrait derrière. Mais au fond de lui, il se doutait bien de la réaction de la dame. Pour qu'elle ait tout détruit au ré-de chaussée, c'était qu'elle était déjà au courant. Et qu'une colère profonde s'était emparée d'elle. Pas besoin d'être un sorcier pour savoir qu'en cet instant, la Meravigliosa était aussi dangereuse qu'une poudrière en feu. Il avait commis une terrible erreur.

Il allait payer pour.

Et si une petite voix en lui, lui soufflait de prendre la fuite pour ne pas avoir à subir les foudres de l'orage qui grondait au-delà de ce mur, lui assurant que c'était la meilleure chose à faire pour lui ; sa conscience trop accrue de la situation catastrophique l'en empêchait. Il devait faire face aux conséquences de son acte.

Ce n'était pas lui qui comptait.

Ça n'avait jamais été lui.

Lentement, il poussa la porte, si silencieusement que Mara ne réagit même pas.

Affalée dans son fauteuil, elle semblait absente, ailleurs, perdue dans ses pensées... Ses doigts effleuraient le rubis à sa chevalière que son regard fixait, sans s'en détacher. Ses cheveux étaient à moitié défaits, sa robe entièrement froissée. Mais ses traits étaient figés dans une immobilité parfaite, dans une froideur glaciale, comme si l'hiver s'était emparé d'eux. Un masque dénué d'émotions, de sentiments. Le calme avant la tempête. L'apathie la plus complète.

Et cette absence totale de réaction, cette immobilité parfaite fut ce qui terrifia le plus le mercenaire.

Car il allait devoir briser ce calme illusoire. Ne serait-ce que parce que le temps devait reprendre sa course. Il avança d'un pas dans la chambre, refermant la porte derrière lui, avant de s'enquérir, doucement, la culpabilité transperçant son ton :

Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant