Chapitre 7.

132 28 46
                                    

La Fersen avait indiqué à Aleksi qu'il trouverait Sigrid dans les jardins. Elle était chargée d'étendre le linge et les tissus que les lavandières avaient lavés, prêt de la fontaine.

Ce fut bien là qu'il dénicha la petite servante, en début d'après-midi. Ses cheveux libérés dans le vent, vêtue d'une robe de toile, elle se hissait sur la pointe des pieds pour suspendre les draps brodés aux cordes. Il flottait dans l'air un parfum de lavande et malgré la légère brise, les rayons du soleil réchauffaient doucement le jardin.

Le mercenaire se figea quelque peu. De nouveau, il la surprenait en train de fredonner. Si ce n'était plus cette comptine abominable, c'était toujours des chants rhünois, qui parlaient désormais de vastes forêts et de liberté. Aussitôt qu'elle l'aperçut, Sigrid cessa de chanter, se figea avant de ployer dans une révérence maladroite.

« Oh, pardonnez-moi m'sieur.

Lorsqu'elle leva de nouveau ses yeux sur lui, elle le dévisageait sans vergogne, avec une attention toute particulière. Elle semblait particulière intriguée par Aleksi.

Ce dernier chassa les excuses d'un geste de la main, réfléchissant encore à ce qu'il pouvait bien lui dire. S'il voulait remplir sa mission, il ne devait pas la braquer. Il fallait qu'il la manipule, qu'il la séduise.

Bon sang, dans quel bourbier s'était-il encore engagé...

Face au regard papillonnant de cette petite chose blonde, il dit les premiers mots qui lui passaient par la tête, sans qu'il ne parvienne à déterminer si le compliment était sincère ou uniquement dicté par les besoins de sa mission :

— Tu chantes bien.

Aussitôt, une légère rougeur gagna les joues encore un peu rondes de la jeune servante. Elle esquissa un sourire maladroit qui aurait pu attendrir le cœur le plus dur et le plus froid du royaume.

— Merci m'sieur.

Mais Aleksi n'avait pas de cœur...

Lentement, il s'accroupit, s'adossant à un petit muret. Le respect timide qui pointait dans le ton enfantin de la jeune femme l'amusait. Il n'avait rien d'un « monsieur ». Bien loin de là. Il était à peu près certain que s'il n'avait pas été autant dans les bonnes grâces de la duchesse, comme n'importe quel autre valet, et s'il n'avait pas été autant terrifiant, peu auraient été ceux qui auraient pris tant de pincette avant de s'adresser à lui. Ce monde n'était qu'une vaste farce où les apparences comptaient plus que la réalité... Paraître plutôt qu'être...

— Je ne suis pas un monsieur, tu sais ? finit-il par murmurer, à voix basse. Tu peux m'appeler autrement.

La servante fronça un instant des sourcils avant de recommencer à étendre le linge, accrochant les longs draps blancs à la corde.

— Et comment alors ? s'enquit-elle, ingénue.

Le jeune homme haussa des épaules avec nonchalance.

— Comme il te plaira.

Sigrid parut songeuse quelques instants, un petit pli se formant entre ses deux sourcils, sur son front pâle, avant qu'elle ne demande :

— Quel est votre nom ?

— Aleksi.

C'était Aleksi. Uniquement Aleksi. Il n'avait pas d'autres noms. Il était orphelin après tout.

Menteur !

Il grimaça à cette pensée qui s'était introduite bien malgré lui à la lisière de sa conscience. Mais il ne pouvait pas s'attarder dessus. À la fois curieux et intéressé, motivé par la nécessité d'en savoir plus sur cette nouvelle pièce qui risquait de déséquilibré le jeu si bien mené de la Meravigliosa, il étendu ses jambes, désinvolte, avant de s'enquérir :

Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant