Chapitre 24.

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Freyja écoutait avec attention chaque doléance qu'on venait lui faire depuis plusieurs heures désormais. Cela faisait partie du rôle d'une reine. Le peuple se rendait près d'elle pour présenter ses requêtes et elle les entendait. Parfois, elle pouvait fournir une réponse, parfois encore, elle pouvait rendre la justice. Depuis la régence de la défunte Béatrice de Navarie, l'épouse du roi avait gagné en importance dans ce rôle. Son champ d'influence était plus grand.

Et la toute jeune souveraine tentait de tenir ce rôle avec dignité et intelligence. C'était dans ces instants qu'elle se rendait compte que l'enseignement que lui avait fourni sa mère était très utile. Pendant des années, la Meravigliosa lui avait appris toutes sortes de choses diverses et variées sur les hommes, sur les lois, sans que sa fille n'en comprenne véritablement le sens.

Désormais, elle saisissait. Mara l'avait toujours préparée à devenir reine.

Et elle se devait de faire honneur à tout ceci.

Au fond d'elle, Freyja appréciait de plus en plus son nouveau titre. Siégeant dans la grande salle du palais, tous la respectaient et la complimentaient. Elle devait lutter pour ne pas rougir à chaque compliment, remerciant les uns comme les autres avec grâce, surpassant sa timidité encore innocente. Elle s'appliquait tant à sa tache que bien vite, la longue file de visiteurs se finit enfin. Elle soupira de soulagement. Toute attentive à bien faire qu'elle était, elle ne pouvait prétendre que cette tâche n'était pas exténuante. D'autant plus lorsqu'elle devait demeurer assise, engoncée dans une robe à tassel navarienne cérémonielle dont elle soupçonnait que le corset avait été mille fois trop serré par sa servante.

Mais soudain, les portes s'ouvrirent sur un tout nouveau visiteur. Heureusement, il ne s'agissait pas d'une nouvelle personne venue présenter sa doléance.

Un valet venait d'entrer. Elle le reconnut aussitôt. C'était un homme d'âge assez avancé qui servait au manoir du bois de la reine depuis des années, presque aussi longtemps que la Fersen. Ses traits tirés, sa barbe courte, ses petites rides... Tout chez lui était aimable. Mais en cet instant, il semblait légèrement mal à l'aise, alors qu'il s'avançait vers le trône sur lequel était assise la jeune fille.

C'était elle qui l'avait fait mander.

Alors qu'il arrivait face à elle, il plongea dans une révérence profonde tout en la saluant respectueusement :

« Mada...majesté ! se rattrapa-t-il.

Après tout, il servait depuis tant de temps chez la Meravigliosa qu'il n'avait pas eu le temps de se faire au changement de titre de la jeune maîtresse qu'il avait connu alors qu'elle n'était alors qu'une toute jeune enfant.

« Moi non plus... » songea celle-ci, en son for intérieur. Tout avait changé si vite...

À ses lèvres fleurit un doux sourire indulgent. Ce visage familier lui faisait du bien. Ici, à la cour, tout était plus grand. Il y avait tant de serviteurs, tant de nobles... Elle s'y sentait parfois perdue. Elle faisait de son mieux pour tenir son rôle, mais parfois, le calme du manoir lui manquait. Plus étrange encore, La Meravigliosa lui manquait. Malgré sa froideur en son encontre, elle avait toujours vénéré sa mère. Elles avaient toujours été ensembles, fuyant Rhün, débarquant sur les îles Réïdes puis en Irigua. Jamais elle ne s'était séparée. Mara lui avait tout transmis, avait tout partagé avec elle - sauf peut-être son cœur. Alors ces derniers temps, en l'absence de celle qui avait été son unique point de repère dans l'existence, tout lui semblait étrange.

— Avez-vous des nouvelles de la duchesse ? s'enquit-elle, gentiment.

Depuis la réception donnée en son honneur au manoir du bois de la reine, Freyja n'avait pas revu sa mère. Tout ce qu'elle savait, elle le tenait d'Aleksi qui lui avait dit que Mara était blessée assez gravement et que son père était impliqué dans cette attaque. Cela faisait désormais deux jours qu'elle n'avait plus aucune nouvelle. Seul un profond néant venait nourrir son inquiétude profonde qu'elle dissimulait comme elle le pouvait à sa suite. Si le duc les avait retrouvées alors cela signifiait que tout ce qu'elles avaient fait jusque là pour lui échapper avait été inutile. Peut-être même la duchesse envisageait-elle de quitter la Navarie... Mais comment sa fille pourrait la suivre quand elle en était devenue la reine ? Que pouvait-elle y faire ?

Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant