La vie était une valse qui emportait tout sur son passage, sans se soucier des états d'âme.
Freyja venait d'être emportée dans une danse qu'elle ne maîtrisait pas. Immobile, elle voyait le monde tourner, bouger, s'afférer autour d'elle. Une lumière éclatante avait remplacé l'obscurité des derniers jours. Des couleurs chatoyantes là où elle portait du noir. Et tout se mêlait, entre deuil et célébration, entre chagrin et acclamation, entre perte et victoire.
Aujourd'hui, tout se jouait.
Plus que le jour de son mariage, la jeune femme sentait peser sur sa poitrine un poids qui semblait emprisonner son cœur. Sa gorge était nouée par la nervosité et elle se laissait manipulée par les servantes qui l'apprêtaient telle une poupée de porcelaine.
Les choses avaient basculé en un temps record. De fille de duchesse, elle était passée à princesse. Et désormais... Une nouvelle voie s'ouvrait à elle. Une voie que sa mère avait rêvée pour elle, forgée dans sa folie ambitieuse au cœur des intrigues les plus dangereuses.
À peine mariée, à peine avait-elle été capable de s'habituer à sa nouvelle vie, au sein du palais royal de Losthange, aux côtés de son époux et de la reine, que tout changeait à nouveau. Béatrice avait été assassinée.
Et si tout le monde accusait les skÿull, Freyja savait qui était le véritable coupable. Les mots de Mara résonnaient à ses oreilles sans cesse, en écho à ces ténèbres qu'elle avait vu le soir du meurtre et qu'elle ne connaissait que trop bien.
C'était Aleksi qui s'était introduit dans le château et avait tué la souveraine à l'aide d'un scramasaxe, commettant l'irréparable sur les ordres de la Meravigliosa. Elle n'en avait pas douté une seule seconde et désormais, elle taisait cet horrible secret, ne pouvait qu'écouter Côme et ses généraux parler d'une future guerre contre les clans qui se partageaient la vaste étendue gelée au nord du royaume.
Dans ce tourbillon inarrêtable, Freyja ne pouvait que se laisser porter par le vent.
Un vent qui la mena jusqu'à la chapelle royale, en ce jour royalement décorée de noir et d'or. On pleurait Béatrice et on célébrait son fils. L'ours couronné était brodé partout, plus grand encore que les anneaux de la Foi. On avait ouvert en grand les portes et tout le peuple de la capitale s'était amassé à l'extérieur, foule bruyante et frémissante, dans l'espoir de pouvoir apercevoir des bribes de la cérémonie.
La jeune femme se crispa un peu plus, ses doigts se refermant autour du tissu bleu roi de sa robe. Ses oreilles bourdonnaient étrangement et elle se sentait à deux doigts de défaillir. Etait-elle prête ? Etait-elle capable d'avancer dans cette chapelle, sous les yeux des dieux, des nobles et du royaume pour endosser la couronne qui l'attendait ? Serait-elle seulement à la hauteur ?
Elle frémit, se forçant à respirer. Ce qu'elle craignait par-dessus tout, c'était de s'évanouir devant l'autel. De faire preuve de faiblesse. Elle pouvait presque entendre le ton glacial de sa mère cingler à ses oreilles.
« Une Meravigliosa ne faiblit jamais. Tiens-toi droite, menton levée. Montre au monde qui tu es. »
Il fallait toujours prétendre être invincible. Comme au Marata, les illusions dominaient. Aujourd'hui, Freyja devait livrer la plus parfaite d'entre elles.
Soudain, troublant ses inquiétudes et son angoisse, elle sentit une présence à ses côtés. Elle releva aussitôt la tête, tombant sur le regard nerveux de Côme de Navarie. Le jeune homme, d'ordinaire si souriant, si joyeux, affichait une mine grave. Les événements des derniers jours semblaient l'avoir considérablement vieilli. Il n'avait plus rien de ce jeune prince un peu insouciant qui se pliait au bon vouloir de sa mère.
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Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sang
FantasyNul ne sait d'où vient la sublime duchesse Mara Meravigliosa, dont les appâts viennent troubler la cour de Navarie. Elle est arrivée un beau matin et n'est plus jamais repartie. Une arrivée que la reine voit d'un mauvais œil. L'ambitieuse Mara l'inq...