Vingt années plus tôt, palais ducal du cercle des Merveilles, Ihime, capitale de Rhün.
À Rhün, on se mariait en blanc.
C'était la couleur de la pureté, celle d'une âme sans tache. D'une âme vierge, prête à accueillir la marque des ténèbres, la marque des dmons. On disait que seul le blanc le plus pur pouvait permettre aux créatures de l'au-delà de franchir le voile entre les mondes pour gagner le nôtre.
Même les non-initiés au cercle, même ceux qui ignoraient tout des démons, avaient adopté cette tradition.
Mais Mara détestait cette couleur. Elle détestait sa perfection, sans tâche et ce qu'elle symbolisait. Elle détestait sa fragilité, si vite menacée par le moindre remous. Et plus que tout, elle détestait qu'en ce jour, elle fut obligée d'en porter.
La jeune fille se mirait dans un immense miroir, raide comme un piquet.
Engoncée dans une somptueuse robe de soie et de satin, elle se reconnaissait à peine.
De la ceinture d'or qui entourait toute sa taille, de sa poitrine jusqu'à ses hanches, s'échappait une jupe blanche brodée de fil doré si volumineuse qu'elle se demandait comme elle pourrait bien marcher avec. Le haut de la robe s'évasait autour de ses bras dans des manches bouffantes qui se resserraient au niveau de son coude. Le décolleté descendait oblique sur sa poitrine, recouvert d'un triangle de dentelle. Par-dessus, entre ses deux seins, reposaient un immense rubis, assorti à ceux de sa parure. Son voile, accroché au serre-tête d'or était si long qu'il l'englobait totalement et recouvrait ses cheveux blonds retenus élégamment dans un filet fait de cordon doré.
Alors qu'elle s'admirait, silencieuse, la demoiselle sentit soudain une présence derrière-elle. Sans même se retourner, elle reconnut aussitôt cette silhouette masculine et protectrice qui se découpait dans le reflet du miroir. Faisant légèrement volte-face, elle s'inclina face à l'homme qui se dressait face à elle.
« Père...
Arjen Fordaemdi sourit. C'était un homme grand et fier, approchant de la quarantaine. Mais en cet instant, ce valeureux guerrier aux traits taillés à la serpe et au regard glaçant semblait gagné par une forte émotion. Il dévisageait la jeune fille avec une étrange tendresse, un éclat scintillant adoucissant ses yeux si froids. Il semblait troublé. Arrangeant avec précaution la tiare ducale sur le front qui la portait, il ne put s'empêcher de murmurer, dans un murmure attendri :
— Ástin mín...* Tu ressembles tant à ta mère...
La future mariée fronça des sourcils face à l'air songeur et triste de son père.
On racontait que sa mère avait été la plus belle femme que l'île de Rhün eut abritée. Même les démons les plus violents éprouvaient envers elle un respect sans borne, une sorte d'admiration qu'on ne portait qu'aux plus beaux joyaux.
Mais dame Freyja était morte alors que sa fille n'était qu'une enfant. L'étoile qui avait si longtemps brillé au-dessus de Bölvuð vígi - la forteresse maudite, la demeure familiale des Fordaemdi, - s'était éteinte. Et tout le cercle des merveilles semblait avoir plongé dans une obscurité glaçante.
Mara ressemblait à sa mère. Mais elle n'avait pas sa douceur. Elle avait hérité du regard tranchant de son père, de cette aura polaire et de son air stratège. Pourtant, elle était belle. Si belle...
Et ce soir, elle l'était encore plus.
Dans cette tenue, il était impossible pour la jeune noble de se reconnaître. À quatorze ans, elle s'apprêtait à devenir duchesse. Toute sa vie, elle avait été préparée à cet instant. Elle avait été la seule héritière des Fordaemdi, leur fille unique. Et si leur pouvoir avait été usurpé, son père avait manigancé pour que d'une manière ou d'une autre, sa fille accède au trône.
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Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sang
FantasyNul ne sait d'où vient la sublime duchesse Mara Meravigliosa, dont les appâts viennent troubler la cour de Navarie. Elle est arrivée un beau matin et n'est plus jamais repartie. Une arrivée que la reine voit d'un mauvais œil. L'ambitieuse Mara l'inq...