Chapitre 8.

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Freyja n'était pas curieuse de nature. Sage et discrète, elle savait pertinemment où était sa place. Sa mère trouvait que son caractère était un peu trop effacé. Mais la demoiselle n'en avait cure. C'était ainsi. Jamais elle ne serait aussi extravertie et malicieuse que la duchesse. Elle avait dû se forger d'autres armes. Sa résilience et son obéissance lui permettaient de voguer entre les eaux dangereuses de la cour Navarienne, en toute connaissance de cause. Patiente, elle écoutait. Et en écoutant, elle apprenait.

Assise dans le jardin du manoir, derrière un bosquet que le printemps verdissait, elle avait ainsi entendu toute la discussion qui s'était déroulée entre Aleksi et la petite servante, de l'autre côté de la haie.

Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre ce dont il en retournait réellement. Un léger sourire de dépit avait fleurit sur ses lèvres, conférant à son visage aux rondeurs encore enfantine une petite moue boudeuse qui s'envola dès lors que le mercenaire, qui avait quitté sa proie, apparu au détour du bosquet.

Lorsqu'il aperçut la jeune demoiselle, assise sur un banc, l'air de l'attendre, il se raidit imperceptiblement avant d'accélérer le pas pour s'éloigner. Mais la blonde ne l'entendait pas de cette oreille et se releva pour le rejoindre en quelque pas.

« Bonjour Aleksi. Comment te portes-tu en ce bon début de printemps ?

— Bonjour. Je suis occupé, demoiselle Freyja.

Il avait répondu poliment, d'un ton détaché. Mais seul un aveugle ne verrait pas qu'il tentait simplement d'esquiver les questions que la jeune fille ne tarderait pas à lui poser. Un rire clair lui échappa, avant qu'elle ne murmure, d'une espièglerie bien différente de celle de la Meravigliosa :

— Officiellement, tu es mon garde du corps. Alors si je réclame ta présence, tu es bien obligé de rester avec moi.

Il soupira. Même si elle ne ressemblait en rien à sa mère, Freyja demeurait la fille de Mara. Une future duchesse. Elle avait le même sang dans ses veines et par tous les démons qui peuplaient cette terre, il savait à quel point le pouvoir du sang pouvait se révéler très puissant.

Freyja glissa ses doigts délicats autour du coude du mercenaire, s'agrippant au cuir de son veston, le forçant à ralentir le pas.

Elle devait tirer les choses au clair et ne le laisserait pas fuir, quand bien même il aurait été aisé pour lui de se débarrasser de la frêle demoiselle. Alors, préférant ne pas prendre de risque, elle attaqua aussitôt, fronçant des sourcils :

— Tu cherches à séduire cette servante ?

Il eut pour seul réaction un long soupir.

— Tu ne nies pas. Mais tu ne confirmes pas non plus.

— L'évidence se passe de mots.

La réponse était énigmatique. Mais son sens l'était moins. Freyja sourit un peu plus, avec douceur. Elle ne pouvait s'empêcher de détailler ce jeune homme, plus âgé qu'elle, qu'elle avait vu grandir mais qui était pourtant si différent de celui qu'elle avait connu... D'une certaine façon, elle avait pitié de lui. Elle avait pitié, parce qu'elle avait compris. Compris qu'il nourrissait au plus profond de son cœur des désirs qu'il n'était pas prêt de voir se réaliser. Qu'il était pris au piège dans un jeu plus grand que lui.

Au Marata, la reine de cœur dirigeait tout. Et son valet devait obéir.

— C'est elle qui te l'a demandé, n'est-ce pas ?

Elle le sentit se crisper, contre elle. Il dégagea une soudaine tension qui alourdit l'atmosphère. Mais sans se laisser déstabiliser, il grommela, d'un ton froid qui aurait pu glacer le sang de la jeune Meravigliosa si elle ne le connaissait pas si bien :

Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant