Chapitre 13.

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« Que pensez-vous de cette couleur ?

Freyja fit tournoyer la soie abricot, brodée de fil d'or. À la lumière du soleil, la jeune fille resplendissait. Malgré ses réticences à l'idée de se marier, elle se pliait aux séances d'essayage de sa robe de mariée avec beaucoup de bonne volonté, transformant ce qui était à ses yeux un sacrifice en un moment festif. Les suivantes et les modistes s'extasièrent sur sa beauté angélique et sur la façon dont le tissu mettait en valeur sa chevelure dorée et sa peau de porcelaine.

Loin de cette effervescence, Mara, à moitié allongée sur une méridienne de velours, leva son regard de sa lecture pour scruter la soie que sa fille lui montrait. Elle esquissa un léger sourire face à sa naïveté presque touchante avant de siffler, moqueuse :

— Passable. Du moins, serait-elle bien plus belle si elle ne servait pas à habiller une de ces affreuses robes à tassel navariennes.

Sa critique, l'énième d'une longue succession de remarques qu'elle avait faites durant l'après-midi, ne toucha même plus la jeune fiancée qui leva les yeux au ciel avant de soupirer, avec douceur :

— Mère, vous ne voudriez tout de même pas que je porte une robe iriguoise à mon mariage ?

— Et pourquoi pas ? s'enquit la duchesse, d'un ton railleur.

— Cela passerait probablement pour une insulte.

Un ricanement hautain s'éleva dans la pièce, coupant court aux jacasseries des domestiques.

— C'est là ta seule raison ? Si tu cherches à me dissuader tu t'y prends mal, Freyja.

Certes, il était évident que la sublime blonde ne se priverait pas d'une occasion de montrer à tous qu'elle n'obéissait à personne, pas même la souveraine du royaume. La jeune fille soupira tandis que les modistes s'afféraient à prendre ses mesures et à arranger le fameux tassel en question sous le col en V.

— De toute façon, à défaut de choisir ton mari, je te laisse choisir ton trousseau, conclut Mara, reposant son regard sur le livre entre ses mains. Fais ce que tu veux.

— À la seule condition que je ne vous fasse pas honte...

— Tu sais où sont tes intérêts.

L'adolescente du se retenir de répliquer qu'il ne s'agissait pas de ses intérêts mais plutôt de ceux de sa mère. Elle n'avait jamais eu la même ambition que cette dernière. Mais la Meravigliosa avait de grands projets et malheur à celui qui oserait se dresser sur sa route. Béatrice ne l'avait peut-être pas encore compris mais une menace planait sur sa tête. Elle avait fait entrer le loup dans la bergerie.

Au même instant, une ombre attira l'attention de la duchesse. Elle fronça des sourcils, se redressant. Là, dans l'encadrement de la porte, elle croisa le regard noir d'Aleksi. Le jeune homme s'inclina respectueusement, son coude heurtant le pommeau de son épée. Puis il se redressa et lui adressa un petit signe de tête, discret, avant de s'éclipser.

Posant son livre sur la banquette, Mara se releva, lissant du plat de la main les plis de sa jupe. D'un pas hâtif, elle quitta cette ennuyante séance d'essayage et rejoignit son mercenaire qui l'attendait dans un petit corridor, peu fréquenté et dont les murs étaient couverts de lourdes tapisseries. Sans un mot, elle se plaça à ses côtés, le menton droit, sans lui accorder un regard. Son manque d'entrain et sa nonchalance n'échappèrent pas au jeune homme qui constata, placide :

— Pour quelqu'un qui organise un mariage censé augmenter votre puissance, vous ne semblez pas extatique...

La dame haussa des épaules avant de susurrer, balayant l'air d'un geste de la main :

Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant