Intermède.

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À sa grâce, la duchesse Mara Meravigliosa,

Cara amica,

Voilà si peu de semaines que vous venez de quitter notre bon duché d'Irigua et sa florissante capitale. Votre absence se fait sentir de la plus cruelle des façons. Qu'est-donc notre cour sans votre grâce, votre verve et votre beauté ? Vous me manquez déjà. J'aurais voulu vous écrire pour une meilleure occasion.

Malheureusement, je suis tributaire d'une bien mauvaise nouvelle.

Vous deviez être sincèrement un véritable miracle car sitôt vous voilà éloignée que le malheur s'est déjà abattu sur nous. Sinta-Porto est drapée de noir depuis trois jours déjà.

J'ai l'immense regret et la peine la plus profonde de vous annoncer le trépas de sa grâce, le duc Pietro Ferrara, seigneur d'Irigua.

Je n'ose imaginer comme votre affliction doit être saisissante en cet instant. Vous fûtes son dernier amour et malgré les ragots que certaines bouches calomnieuses se permettaient de répandre à votre sujet, quant au fait que vous n'étiez que sa maîtresse, vous accusant d'être une manipulatrice courtisane, j'ai pu voir l'attachement sincère que vous nourrissiez à son égard. Sans être la véritable duchesse d'Irigua, vous fûtes celle de son cœur. Je vous présente alors toutes mes condoléances les plus sincères.

Peu sont ceux qui savent ce qu'il s'est passé...

En peu de temps, il a sombré dans une apathie et dans une torpeur glaciale dont personne n'a pu le sortir, ni ses conseillers, ni son fils. Durant des semaines, les médecins se sont afférés à son chevet. En vain. Puis, une nuit, il y a trois jours à peine, il a été pris d'une violente fièvre et délirait, hurlant votre nom dans tout le château ainsi que bon nombre d'autres mots sans le moindre sens. Ce fut un véritable enfer. J'en tremble encore. Il a rendu l'âme avant le lever du soleil. A l'aube, il nous avait quittés, comme meurt une flamme.

Peut-être fut-ce l'âge, lui qui était si vieux ? Son cœur le faisait déjà souffrir depuis des années et pour beaucoup, le fait qu'il ait vécu jusqu'à ce jour, atteignant les cinquante ans, relève du véritable miracle. Votre arrivée avait apaisé ses souffrances et à vos côtés, il paraissait revivre.

Peut-être que son cœur brisé par votre départ est la cause de cette rechute. Peut-être que son chagrin fut tel qu'il ne put lui survivre.

Je veux croire en cela. Votre décision fut si précipitée que j'eus moi aussi l'impression de perdre une partie de moi. Mais je comprends vos décisions.

Certains murmurent cependant qu'il a été empoisonné. Oui, ma chère ! Vous m'avez bien lue. Empoisonné ! Mais existe-t-il seulement un poison capable de provoquer une telle tourmente ? Des semaines de maladie avant d'achever brutalement sa victime ? Si poison il y a, il ne vient très certainement pas de notre pays. Et puis qui pourrait chercher à l'empoisonner ? À qui cela profiterait-il ?

Ces accusations ne tiennent pas et je le sais. Je m'assurerai qu'on les oublie vite afin de tourner la page de ce malheur et de continuer d'avancer. Pour le bien du duché et du peuple !

Son fils, mon époux, a hérité du trône. La cérémonie a eu lieu dans le temple de Sinta-Porto, dans un faste sans précédent. J'ai, en même temps que lui, ceint le bandeau des ducs d'Irigua. Je saurais me montrer digne de ce nouveau titre de duchesse. Je ferais en sorte qu'il n'écoute pas les conseils malavisés de ces langues de vipères, plus venimeuses encore que celles des serpents des monts du sud.

Je ne saurais vous remercier pour ces neuf années passées en notre compagnie, à notre cour ducale. Depuis que vous êtes arrivée, il y a de cela neuf ans, à bord de ce bateau Réïdiens, vous êtes devenue un membre à part de notre famille. Durant tout ce temps, vous fûtes une véritable amie pour moi, presque une sœur aînée. Vous m'avez appris tant de choses, comme le fait de ne pas laisser le destin décider à ma place de mon avenir. Sans vos conseils avisés, jamais je n'aurais pu épouser Alessandro et devenir ainsi la duchesse d'Irigua. Sans parler de votre adorable fille, cette merveilleuse petite poupée... Comme il fut agréable de la voir grandir !

La cour sera bien calme et terne sans vous pour l'égayer de vos charmes et de vos intrigues.

Et peut-être pour apporter un peu de réconfort à votre cœur sans aucun doute brisé et à votre esprit tourmenté après l'accablante nouvelle que je viens de vous délivrer, je désire également vous annoncer un grand événement : j'attends un enfant. Je porte en mon ventre le futur héritier du duché.

Au nom de la foi, et au nom de notre prospère duché, j'espère qu'il sera plus fort et vigoureux que tous ses ancêtres !

Au-delà de tout ceci, je dois cependant vous inciter à la prudence. L'Irigua et la Navarie commercent grandement et bien que vous ayez tout fait pour préserver le secret quant à votre destination, ne vous en confiant qu'à moi, il se peut que des rumeurs remontent à Losthange. J'ai ouï dire que la reine était une austère matrone et qu'il valait mieux ne pas la contrarier. Je sais que vous prévenir ne servirait à rien. Dans votre quête, rien ne pourrait vous arrêter. Vous êtes une tempête inévitable. Prenez toutefois garde à ce qu'elle ne constitue pas un obstacle. J'ai foi en vos merveilleuses capacités.

J'ose croire que vous atteindrez vos buts.

Peut-être un jour l'Irigua assistera-t-elle au retour des Meravigliosi sur sa riche et fertile terre.

En attendant ce jour béni,
Que les dieux soient avec vous.

Caterina di Ferrara,
Nuova Ducessa d'Irigua.

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Hello 😊 comment allez-vous ?

Voici ce premier intermède qui prend la forme d'une lettre et qui nous en révèle un peu plus sur le passé de Mara lors de son séjour en Irigua ! ^^ Peut-être vous permettra-t-il de commencer à retracer son chemin...

J'espère qu'il vous a plu 😊

À dimanche prochain pour enfin rencontrer la fameuse Béatrice de Navarie si souvent évoquée,
Aerdna 🖤

Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant