Chapitre 10.

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« La reine organise des festivités en fin de semaines.

Mara avait lâché ces quelques mots d'un ton nonchalant, désintéressé. Elle déambulait dans les corridors de son manoir, en compagnie du comte d'Orsignac qui lui avait rendu visite par surprise comme il en avait l'habitude désormais, dans la cour assidue qu'il faisait auprès d'elle.

Durant cette promenade improvisée, elle s'assurait que toute la décoration avait bien été changée avec l'arrivée du printemps. À chaque équinoxe, rideaux, tapisseries et soieries étaient remplacés. Il flottait dans les couloirs un parfum fleurit, printanier. La fragrance d'une nouvelle ère...

À côté d'elle, son invité acquiesça.

— La nouvelle m'est parvenue, en effet.

La duchesse leva les yeux vers lui. Ses cheveux blonds tressés de manière à former une couronne autour de sa tête, associés à ses grands yeux clairs et son sourire malicieux lui conféraient un air angélique. Mais son prétendant était loin d'être dupe. Cela dit, c'était ce qui l'avait attiré au départ chez la sublime femme : la beauté d'un ange pour dissimuler un cœur aussi enflammé que ceux des démons. Elle le savait. Elle en jouait.

— Savez-vous en quel honneur ? s'enquit-elle.

Le noble esquissa un rictus narquois et secoua la tête de gauche à droite.

— Je n'ai pas l'insigne honneur d'être dans les bonnes grâces de sa majesté.

— Que c'est dommage ! minauda la Meravigliosa, une fossette mutine se creusant au coin de ses lèvres incarnats.

Son hypocrisie arracha un rire amusé au comte qui lui coula un regard entendu.

— N'est-ce pas ?

— Soit, vous devrez vous contenter de moi.

Disant cela, elle lui fit face, mettant fin à leur promenade. De haute stature, il la dépassait d'une bonne tête. Cela dit, elle conservait le menton haut, ses iris scintillantes vrillant ceux du jeune homme. L'atmosphère avait changé du tout au tout. La conversation anodine et conventionnelle avait laissé place à un dialogue où les sous-entendus étaient rois.

— Je le crains, en effet, répliqua-t-il, entrant dans le jeu de la duchesse.

Satisfaite de la réponse, celle-ci s'approcha d'un pas, réduisant la distance qui les séparait. Dans ce jeu de séduction qui s'était installé entre eux depuis quelques temps maintenant, toutes les règles de convenances avaient été abattues.

— Et comment alléger votre si grande peine ?

— Acceptez de me réserver une danse au bal.

— Accordé ! Vous aurez autant de danse que vous le voudrez, cher ami. Je suis d'humeur généreuse ces temps-ci.

L'homme plissa des yeux, ses pupilles se dilatant. Esquissant un sourire matois, il susurra d'une voix grave, enjôleuse :

— Suffisamment généreuse pour m'accorder ce baiser que je vous réclame depuis deux semaines déjà ?

Le sourire de la femme s'accentua plus encore. Elle sentit une douce chaleur gagner sa poitrine. Elle se délectait de cette situation. Au bout de quelques secondes d'un silence lourd de sens, elle finit par murmurer, sur le même ton qu'avait adopté son interlocuteur :

— Il se pourrait bien...

— J'attends, dans ce cas.

Il l'avait dit sur le ton du défi. Un défi que Mara ne pouvait que relever. Etouffant un rire amusé, elle se haussa sur la pointe des pieds pour effleurer les lèvres du chevalier des siennes. Mais au moment où elle allait se détacher, ce dernier se saisit aussitôt de ses hanches pour l'empêcher de reculer, accentuant aussitôt le contacte entre leurs lèvres, l'embrassant réellement et mettant ainsi fin à ce simulacre de baiser.

Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant