Epilogue.

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Un immense fracas résonna dans l'air, plus tonitruant encore que le tonnerre.

Mara se réveilla en sursaut, le cœur battant la chamade, une sensation glaçante de peur l'étreignant tout entière, l'empêchant de respirer. Un instant, elle chercha l'air, sa main posée sur sa poitrine à la recherche des battements de son organe vital qu'elle s'était senti arracher dans son sommeil un milier de fois, perclus d'une souffrance atroce. Comme si on y enfonçait une lame.

L'esprit embrumé, elle voulut appeler à l'aide. Une douleur naissait derrière ses paupières, un mal de tête si virulent qu'elle avait l'impression qu'un incendie y faisait rage. Elle peinait à voir correctement, des tâches noires et lumineuses dansant devant ses yeux.

La respiration saccadée, elle avait l'impression qu'elle allait mourir. Son corps entier était en proie à une crise qu'elle ne parvenait à arrêter et qui la secouait sans ménagement. Des images et des sons se bousculaient dans son esprit, mêlant plusieurs moments. Elle ne parvenait plus à démêler le songe du souvenir. Tout la rendait folle...

Il lui fallut plusieurs minutes pour se calmer, ses ongles tant enfoncés dans sa poitrine que ce fut la douleur qui parvint enfin à la ramener à la réalité. Elle battit des paupières, sa vision se rétablissant. L'air s'engouffrait de nouveau normalement dans ses poumons. La sensation de brûlure s'atténua jusqu'à presque disparaître.

Ne demeurait plus que le silence, rompu par un bruit de fond, comme une mélodie incessante de frottement et de roulement.

La duchesse regarda autour d'elle, fronçant des sourcils. Elle reposait sur un lit de camp, tendu dans une petite pièce aux parois de bois. Autour d'elle, le monde tanguait, bercé lentement par un roulis qu'elle n'avait pas ressenti depuis quatorze années.

Elle était dans une cabine de bateau.

La Meravigliosa tenta de se relever malgré la souffrance qui explosait sous ses paupières et se diffusait dans son crâne entier. Ses jambes étaient flageolantes mais elle tenait debout. C'était tout ce qui comptait. Sur une chaise à côté d'elle, reposait une robe écarlate. Une robe rhünoise. Une de ses anciennes robes. Elle la reconnaissait à l'immense ceinture censée enserrer la taille entière et aux broderies sur les manches pendantes. Après l'avoir observé quelques instants, elle finit par lever les yeux au ciel, un rire mauvais s'échappant d'entre ses lèvres.

Quelle vaste mascarade !

Il y avait deux portes. La première était close. Sûrement donnait-elle sur le pont. Sur la liberté. L'autre s'ouvrit, révélant une de ces petites balustrades qu'on trouvait à l'arrière des embarcations, exposant un point de vue sur tout ce qui se trouvait à la poupe.

Titubante, elle s'avança jusqu'à la rambarde avant de s'y agripper. Son souffle se coupa dans sa poitrine et sa gorge se noua tandis qu'elle se sentait étouffer. Ses yeux lui piquaient atrocement alors qu'elle refoulait ses larmes, le choc et la panique embrumant son esprit, refermant leurs griffes acérées sur son cœur pour le broyer sans la moindre pitié.

Un hurlement de rage et de frustration lui échappa, n'ayant rien d'humain. Elle ne savait pas si on l'avait entendu. Elle s'en fichait. La douleur dans sa poitrine était telle qu'elle la submergeait entièrement, sans lui laisser le moindre répit.

Devant elle, se dessinait la côte navarienne, ses longues plages, ses villes portuaires et ses villages de pêcheurs, noyés petit à petit dans la brume matinale. Elle regardait s'éloigner, impuissante, ce rivage synonyme jadis d'espoir, tandis qu'au-dessus de sa tête, des nuages sombres s'amoncelaient, un vent glacé se levant, venant gonfler les voiles du navire. Ce dernier prenait le large. Prêt à voguer au cœur de l'océan Cyclone.

Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant