Chapitre 18.

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Être une reine n'avait rien d'aisé.

Derrière sa froideur et son austérité, Béatrice conservait le cœur d'une véritable ours. Elle veillait sur son royaume d'une main de fer, protégeant les siens de ses griffes mortelles. Par le continent, on avait rarement croisé une femme de pouvoir de son envergure.

Son mari n'avait jamais eu un quart de sa propre grandeur. Ça n'avait été qu'un coureur de jupon, amateur de festivité et de guerre. Pour ce qui était des stratégies, des alliances et autres intrigues, il avait laissé avec plaisir les rennes à sa femme.

Cette noble que rien ne semblait pouvoir atteindre s'était hissé jusqu'au sommet.

Et elle y était parvenue malgré tous les malheurs qui l'avaient frappée, telle la mort de tous ses enfants hormis Côme.

Pour son fils, elle était prête à tout. Elle voulait faire de lui un grand roi, un souverain craint par tous les autres royaumes, des terres gelées de Skÿull au soleil aride de l'empire d'Oshoaïa. Or, son expérience personnelle lui avait appris qu'un bon roi se devait toujours d'être accompagné par une reine à sa hauteur. Pas une femme de l'ombre, mais un soleil qui saurait mettre en valeur l'éclat royal du prince.

C'était pour cela qu'elle avait jeté son dévolu sur Freyja. La jeune fille, en plus de représenter une épouse parfaite, tant du point de vue du rang que des richesses, était l'héritière de celle que Béatrice avait également perçu comme une rivale. En coupant Mara de sa fille unique, elle ne pourrait plus compter sur celle-ci. Et les filles étant des pions parfaits dans le jeu du pouvoir, la reine avait ainsi coupée la duchesse d'une partie de sa puissance.

Freyja vivait au palais depuis son mariage.

Béatrice la pensait aussi malléable que l'argile. Elle en ferait une reine à sa mesure, une épouse digne pour son fils.

De cela, elle en était certaine.

Fière et sûre d'elle, elle congédia ses servantes ainsi que ses demoiselles de compagnie, désireuse de profiter de la douceur de cette nuit. Depuis quelques semaines maintenant, son ciel était dénué du moindre nuage. Et pour ajouter à sa satisfaction, on était venu lui annoncer la mort du comte d'Orsignac. La Meravigliosa avait encore perdu un amant. Et le trépas de ce noble arrogant dont elle désapprouvait les mœurs cyniques de libertins ne lui faisaient ni chaud ni froid.

Vraiment, le monde lui souriait et les dieux se montraient généreux envers elle.

Que pouvait-elle souhaiter de plus ?

S'asseyant face à sa coiffeuse, elle ôta la lourde couronne d'or de son crâne, libérant sa chevelure brune. Le reflet du miroir lui renvoyait l'image d'une femme vieillissante. Elle n'avait plus rien de sa beauté d'antan. Son regard gris perçant avait gagné une froideur qui terrorisait ses ennemis mais ne réchauffait plus son cœur. Des rides apparaissaient au coin de ses yeux et de ses lèvres. Et même si elle ne les cachait pas, elle voyait cette marque du temps qui passait comme un avertissement. Le déclin n'était jamais loin.

C'était une course à la puissance. Une course au pouvoir.

Tandis qu'elle s'observait, un mouvement furtif dans son dos attira son attention. Surprise, elle se tourna, scrutant sa chambre. Mais rien.

Fronçant des sourcils, elle se réinstalla correctement sur son siège.

Au même moment, toutes les chandelles s'éteignirent, plongeant la chambre dans l'obscurité la plus parfaite. Cette fois-ci la souveraine sentit son sang se glacer dans ses veines et un mauvais pressentiment l'étreignit.

Alors qu'elle ouvrit la bouche, prête à appeler ses gardes, elle sentit soudain une douleur fulgurante exploser dans sa poitrine. Elle avait l'impression que son cœur se déchirait en deux et qu'on la déchiquetait de l'intérieur. Elle écarquilla des yeux, parcourue par un spasme violent.

Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant