Intermède.

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Quatorze années plus tôt, quelque part dans l'océan Cyclone.

Au-dessus des vagues roulantes de l'océan Cyclone, l'orage faisait rage. Ses grondements terribles secouaient mer et ciel, la foudre tombait pour venir frapper l'écume blanche agitée et le vent sifflant se perdait dans les vagues qui claquaient, en proie aux éléments déchaînés.

Le navire tanguait brutalement sous ce cyclone dévastateur.

Les pleurs de Freyja retentissaient au travers du vacarme de la tempête, résonnant dans toute la coque. Mara poussa un profond soupir, se redressant sur son lit de camp, ses traits tirés en une grimace agacée. Ses cheveux défaits tombaient devant son visage au teint blafard, entièrement emmêlés.

Ciel ! Cette enfant ne la laisserait donc jamais dormir...

Elle se releva, attrapant un peignoir dans lequel elle s'emmitoufla et, peinant à conserver une démarche stable, se dirigea vers la porte de sa cabine. Ses doigts pâles s'emparèrent de la poignée et elle déboucha sur le maigre couloir de l'embarcation.

Tout était sombre. Seuls les éclairs qui ravageaient l'océan cyclone illuminaient parfois le tout de flashs blancs aveuglant. Dans ce spectacle apocalyptique, la duchesse avait l'impression de se retrouver aux portes de l'enfer.

Et sa fillette qui n'arrêtait pas de pleurer...

Elle tituba alors que le sol s'inclinait dangereusement. Emportée par la gravité, elle se plaqua contre le mur. La houle furieuse allait faire chavirer ce bateau à ce rythme. Elle avait embarqué à bord de ce navire de fortune pour sa survie. Il était absolument hors de question de mourir en pleine mer. Son corps n'allait pas finir dans les profondeurs de l'océan cyclone, dévoré par les poissons. Même si ce destin restait préférable à celui qu'elle fuyait.

Heureusement, tout reprit son sens normal alors que le bateau revenait à l'horizontal, dans le creux des vagues. La duchesse récupéra son équilibre, s'appuyant d'une main sur les planches en bois, posant l'autre sur son ventre.

Alors qu'elle récupérait son souffle, elle se sentit soudain observée.

Mara releva aussitôt la tête, craignant de se retrouver face à un des marins. Mais ils étaient tous occupés sur le pont à maintenir le navire à travers la tempête. Elle entendait leurs cris, leurs vociférations... Non, ce n'était pas un homme.

Au beau milieu du couloir, un enfant se tenait debout. Ce devait être un des orphelins qu'elle emmenait avec elle. Une trentaine d'enfants avait embarqué à ses côtés. Une trentaine de petits garçons qui étaient tous sous bonne garde dans une des calles du bateau. Alors comme celui-ci avait pu se retrouver là, devant elle ?

Resserrant les pans de son peignoir autour de son corps afin de conserver toute la dignité qu'il lui restait, elle le dévisagea, fronçant des sourcils.

C'était un garçon maigre, petit de taille. Elle ne distinguait que sa silhouette.

Mais soudain, un nouvel éclair illumina tout, projetant une lumière blanche qui éclaira enfin le corridor. Elle put alors apercevoir clairement le nouveau venu et sa surprise augmenta encore. Malgré ses traits poupins, son visage était barré par une affreuse cicatrice, qui entaillait sa pommette gauche. La blessure qui l'avait causée avait dû être si profonde que c'était un miracle que cet enfant soit encore en vie.

Rejetant difficilement la tête en arrière, luttant contre la nausée furieuse qui lui montait dans ce balancement constant, la jeune duchesse s'enquit, de la voix la plus douce qu'elle pouvait adopter en cet instant :

« Que fais-tu là, petit ?

Il dévisagea la dame, droit comme un piquet, alors que le sol tanguait furieusement sous leurs pieds. Il paraissait ne pas souffrir de la tempête. Cependant, ses traits enfantins étaient tiraillés en une moue chagrine.

Le Cercle Des Merveilles - I - À cœur et à sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant