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Pour la première fois depuis longtemps, Drago Malefoy était seul dans son manoir.

Lui qui autrefois aimait parader savourait cette solitude, ce moment de répit dans un enfer perpétuel... Il était loin l'héritier arrogant qui arpentait les couloirs tête haute et sourire aux lèvres. Désormais, il tentait plus de se fondre dans les tapisseries et de disparaître aux yeux des « invités » de son père.

Même Poudlard — surtout Poudlard — lui semblait plus accueillant.


Sa vie avait basculé quand Potter avait quitté l'école en cachette, sous le nez d'Ombrage, pour se rendre au Ministère de la Magie. Sur le moment, il n'avait pas compris ce qui se passait et il avait détesté le Gryffondor un peu plus, en apprenant que son père avait été emprisonné. Jeté à Azkaban comme un vulgaire criminel, lui aristocrate et membre du Magenmagot.
Persuadé que son père était une victime de ce crétin de Gryffondor idiot, il l'avait haï, de toutes ses forces.

À son retour de Poudlard, sa mère l'attendait, pâle et les yeux rougis. Elle n'était pas seule cependant, il y avait également sa cinglée de tante. Si Drago aimait sincèrement sa famille, Bellatrix était l'exception à la règle. Elle le terrifiait, et il priait parfois pour qu'elle soit renvoyée en prison, d'où elle n'aurait jamais dû sortir.

Il apprit de la bouche de sa mère qu'il devait prendre la place de son père, être marqué plus tôt que prévu pour obtenir la clémence du Seigneur des Ténèbres et pour faire libérer Lucius.
Aveuglé par sa colère de savoir son père en prison, désirant plus que tout se venger de Potter et de ce qu'il avait fait — quoi que ce fut — il avait tendu le bras lorsqu'on le lui avait ordonné, sans même réfléchir. Il n'avait jamais douté de son destin parce que ses parents le poussaient dans cette direction depuis toujours après tout.

Bien sûr, il avait noté la peur de sa mère, et sa tristesse en le voyant faire. Il avait vu les regrets dans les yeux gris, si spécifiques de la lignée Black de la famille. Mais toutes ses questions avaient été diluées dans la douleur.

Douleur de la marque d'abord. Il n'aurait jamais imaginé que ce soit si douloureux. Alors qu'il hurlait et que les larmes coulaient librement sur ses joues, une partie de lui resta suffisamment détachée de la scène pour se rendre compte que Voldemort exultait et semblait aimer provoquer la douleur. Ce constat fut la première graine du doute, plantée sans même qu'il en ait conscience.


Douleur de la punition ensuite. Haletant, son bras le brûlant, il se remettait à peine de cette torture, lorsque le Doloris le faucha, sous les rires hystériques de sa tante et les suppliques de sa mère. Il perdit toute notion du temps, submergé par la souffrance, n'ayant même plus la force de hurler.
Alors qu'il pensait que son esprit allait se briser, qu'il allait terminer comme les parents de Longdubas, la douleur cessa, le laissant au sol, aussi faible qu'un nouveau-né.
Dans le brouillard de la souffrance, il entendit le commentaire presque indifférent de Voldemort.
— Ça, c'est pour l'échec de ton père.

En perdant connaissance, il se dit que peut-être Potter n'avait rien fait de mal finalement.


Il n'eut jamais réellement l'occasion de se réjouir d'être un Mangemort. S'il pensait autrefois que c'était plus quelque chose de politique, il fut rapidement détrompé en se rendant compte qu'autour du mage noir, tout n'était que violence et tortures. Il s'était senti floué et trahi, parce qu'il n'était pas un monstre assoiffé de sang comme eux.
Il mit une semaine à comprendre ce que certains Mangemorts — comme son père — n'avaient jamais intégré : ils étaient juste des esclaves aux yeux de Voldemort. Des esclaves remplaçables à loisir. Il n'y avait pas de favoris, pas de bras droit ou n'importe quelle autre distinction. Sous la colère, le Mage Noir pouvait sacrifier n'importe lequel d'entre eux, sans le moindre regret.

Dès lors, il commença à regarder la marque sur son bras avec dégoût, et il regretta de toute son âme.
Il détesta son père pour l'avoir toujours poussé dans cette voie. Visiblement, Lucius Malefoy avait oublié ses propres préceptes, sur la grandeur de leur famille, sur la supériorité de leur sang. Il s'était rabaissé au rang de chair à canon pour un psychotique qui n'avait aucune considération envers la pureté de leur lignée ou la puissance de leur Magie.
Il détesta sa mère pour n'avoir jamais protesté. Pour l'avoir laissé suivre les ordres de son père, pour l'avoir conduit à Voldemort pour qu'il soit marqué.

Parfois, il pensait à Potter et à son désespoir après son escapade au Ministère. Il se demandait de plus en plus ce qui s'était réellement produit ce jour-là, et il était de plus en plus convaincu que son père était vraiment coupable et qu'il n'avait pas été enfermé à tort.

Lorsque sa tante annonça qu'ils allaient attaquer Azkaban et qu'ils allaient libérer Lucius et leurs camarades prisonniers, Drago se décida. Il profita du fait que le manoir était vidé des Mangemorts pendant un temps pour aller interroger sa mère.

Au début, elle refusa de répondre, et Drago insista, sans chercher à la ménager. Elle protesta, furieuse, lui rappelant qu'elle était sa mère et qu'il lui devait le respect.
Avec un rictus mauvais, il remonta sa manche et lui montra la marque qu'il détestait désormais.
— Plus maintenant. Plus depuis que tu m'as vendu.

À une époque, il aurait pu se sentir terriblement mal de voir sa mère fondre en larmes, désespérée. Mais les Doloris qu'il recevait de temps à autre l'avaient endurci, et il resta de marbre, attendant ses réponses.
Finalement, Narcissa avoua tout. La prophétie qui impliquait Potter, le piège tendu — auquel elle avait participé en soudoyant l'elfe des Black — à destination du Gryffondor. La bataille qui avait eu lieu, un groupe de Mangemort dont Bellatrix contre une poignée de gamins. La mort du parrain chéri du Survivant et l'échec de la mission puisque la précieuse prophétie avait été détruite.

Sans un mot, Drago quitta les appartements de sa mère pour rejoindre sa chambre, le visage lisse de toute expression. Cependant, il était nauséeux et une fois la porte verrouillée derrière lui, il se précipita dans la salle de bains pour vomir.

Il se traita d'idiot, d'avoir cru tout ce qu'on lui racontait, sans même chercher à en savoir plus. D'avoir lui-même creusé sa propre tombe, en refusant l'évidence. Désormais, il était piégé et la marque sombre sur son bras le privait de tout avenir.

GingerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant