Ginger

2-

Pour Harry Potter, la mort de Sirius avait été l'épreuve de trop. Il avait survécu au fait d'être un orphelin, d'être maltraité par sa seule famille connue. Il avait supporté les insultes, les brimades, les coups. Il avait grandi sans amour, privé de nourriture, de jouets, de vêtements même — les haillons de son cousin n'étaient pas vraiment adaptés pour supporter le froid hivernal notamment.
Arrivé dans le monde magique, il avait dû faire face à une célébrité qu'il ne voulait pas, et il s'était retrouvé sous les feux des projecteurs. Des gens qui ne savaient rien de lui racontaient sa vie — une vie idéale — et il était la cible de convoitises qu'il trouvait déplacées.

Il avait rapidement compris qu'il ne serait pas beaucoup plus heureux dans le monde magique que dans le monde moldu. Certes, il était riche et il avait réussi à se faire des amis, mais en contrepartie, il se retrouvait à risquer sa vie à onze ans.
Lorsqu'il avait découvert l'existence d'un parrain — d'un parrain qui voulait de lui, qui l'aimait réellement — il s'était dit qu'il pouvait tout accepter pourvu que Sirius soit près de lui. Il pouvait risquer sa vie, être insulté dans la Gazette. Peu importait. Sirius était là. Un adulte veillait enfin sur lui, il était désiré. Aimé.

Lorsqu'il avait eu la vision de Sirius piégé par Voldemort, il avait paniqué. Sirius était sa seule famille, la seule personne qui comptait plus que tout. Il était prêt à se livrer sans la moindre hésitation si ça pouvait le sauver. Il vendrait le monde magique pour Sirius.
Il n'avait pas réfléchi un seul instant. Il avait paniqué, et il s'était précipité dans le piège qui lui était destiné.

Il avait été reconnaissant à ses amis de l'accompagner, puis soulagé de voir que Sirius n'était pas présent. Lorsque les Mangemorts étaient arrivés pour les attaquer, il s'était battu comme un beau diable, pour protéger ses amis — qu'il se reprochait d'avoir lui-même mis en danger.

Et puis, d'un coup, Sirius était arrivé, avec des membres de l'Ordre. Harry avait eu un instant de panique en le voyant — craignant qu'il ne soit blessé, ou qu'il ne soit renvoyé à Azkaban. Il se jura que si le ministre le faisait enfermer, il irait lui-même démolir la prison sorcière, détraqueurs ou non, pour l'en sortir.

Son parrain lui sourit et lui fit un clin d'œil malicieux en venant se battre près de lui, et Harry, le cœur soudain gonflé d'espoir, se défendit avec plus de puissance. Sirius était là, à ses côtés, et il se sentait invincible.

Il y eut un moment de confusion, et Sirius commença à se battre contre Bellatrix. Alors que Harry allait s'élancer pour l'aider, la Mangemort cinglée hurla et lança un sort. Le rayon rouge frappa Sirius en pleine poitrine et leurs regards se croisèrent un bref instant avant que l'homme ne tombe derrière le voile. L'arche étrange qui l'avait effrayé venait de révéler ce qu'elle était, une porte directe vers les enfers...

L'adolescent perdit tout contrôle. Il se mit à hurler, avec pour seul objectif de tuer Bellatrix. Il n'y avait plus aucune notion de bien ou de mal, il voulait juste la mort de cette cinglée. La voir souffrir, et lui ôter la vie après l'avoir brisée.

Dumbledore intervint pour le stopper, et le renvoyer en sécurité alors que Voldemort arrivait. Et à cet instant précis, Harry détesta le vieil homme de toute son âme.

Dumbledore savait qu'il avait des visions de Voldemort. Il le savait et au lieu de lui donner des explications ou de le mettre en garde, il l'avait ignoré et collé dans les pattes de Rogue.
Lorsque Harry avait eu besoin de lui, le directeur avait juste baissé les bras et laissé l'école sous la garde de cette foutue Ombrage. Elle travaillait pour le Ministère, mais ses actes étaient clairement en faveur de Voldemort...

Dumbledore savait qu'il était malheureux chez ses moldus. Il le lui avait dit, à plusieurs reprises, sans pour autant détailler tout ce qu'il devait supporter. Mais le regard compatissant du directeur était la preuve qu'il se doutait de l'ampleur du désastre. Pourtant, Dumbledore le renvoyait encore et encore là-bas, juste avec ce petit sourire désolé, et la promesse que tout allait s'arranger. Dumbledore avait refusé qu'il reste près de Sirius, arguant que c'était trop dangereux et qu'il avait besoin de la protection du sang de sa mère.
Et Dumbledore avait laissé Sirius se faire tuer, juste sous ses yeux. Le vieil homme n'avait pas esquissé le moindre geste pour sauver son parrain adoré.

Hagard, Harry avait été renvoyé chez ses moldus, sans qu'il ne puisse faire son deuil. Il avait détruit le bureau de Dumbledore sous la rage, et il s'était muré dans le silence. Il avait évité les regards pleins de pitié de ses amis, et refusé toute conversation visant à le consoler.

L'été avait été terrible. Il n'avait pas pu digérer la mort atroce de Sirius, ses tuteurs se déchaînaient sur lui après avoir appris que son parrain — celui qu'ils craignaient — était mort. Il n'avait aucun répit, entre les cauchemars où Sirius tombait encore et encore dans le voile, et les visions apocalyptiques envoyées par Voldemort.

Ses amis ne l'avaient pas contacté une seule fois. Il savait que Dumbledore le leur avait interdit, pour ne pas risquer de dévoiler son adresse aux Mangemorts. Mais ils avaient l'habitude de briser le règlement ensemble, encore et encore. Et là, il aurait eu besoin d'eux. De leur soutien, de leur amitié.
Il savait que sa colère contre eux n'était pas vraiment justifiée, qu'après la débâcle du Ministère, ils avaient probablement peur de le mettre en danger. Cependant, tous ces sentiments bouillonnaient en lui, l'empêchaient d'être lucide et de réfléchir. Il voyait juste sa solitude, son chagrin.

Lorsque l'Ordre du Phénix arriva chez les Dursley, il était prêt. Silencieux et renfermé, il les attendait comme prévu. Cependant, il n'était pas aussi heureux que d'habitude de les voir. Il suivait juste le mouvement, résigné à obéir aux ordres donnés par Dumbledore, décidé à échapper dès que possible à son emprise.
Le directeur lui cachait bien trop de choses et il était temps qu'il reprenne sa vie en main.