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Ce jour-là était un bon jour de l'avis de Drago. Le manoir était déserté de tous ses occupants — légitimes ou non. Même sa mère était absente, bien qu'elle sortait bien moins qu'avant. Il était donc totalement seul et pouvait souffler un peu.

Il évitait de regarder l'état des pièces du manoir, les riches tapis salis, les tapisseries arrachées, les meubles brisés. Les Mangemorts n'étaient pour la plus grande partie qu'une bande de soudards sans la moindre éducation et il ne comprenait pas comment son père pouvait tolérer leur présence, et les laisser mettre à sac leur demeure ancestrale.

Rien que ce comportement aurait dû faire comprendre à Lucius Malefoy que son choix n'était pas le bon. Que Voldemort n'était pas vraiment un lord, qu'il était juste... un criminel.


Pour la première fois des courtes vacances d'automne, il pouvait sortir de sa chambre sans craindre pour sa vie. Il arpenta lentement les couloirs du manoir, notant la déchéance dans laquelle sa famille était tombée avec amertume.


Lorsque des rafleurs se présentèrent à la grille, riant bruyamment, visiblement ravis de leur prise, il hésita à les renvoyer. Il détestait ces sorciers qui se pensaient supérieurs, parce qu'ils étaient chargés par le Ministère de « purifier » le monde magique alors qu'ils n'étaient autrefois que des voyous sans la moindre ambition. Ils parcouraient donc l'Angleterre en capturant les sorciers qui n'étaient pas Sang-Pur, les livrant contre rétribution sans que cela ne leur pose le moindre problème moral.
Cette fois, ils arrivaient, contents d'eux, jurant qu'ils avaient Potter et sa bande. Ils poussèrent Granger et Weasley en avant, mais Drago les ignora presque. Il ne pouvait pas détourner son regard du troisième prisonnier, qui restait silencieux.
Il n'avait aucun doute, c'était Potter. Il était peut-être défiguré, il avait peut-être ôté ses lunettes, mais il reconnaissait ses yeux, sa silhouette. Sa façon de bouger. Il l'aurait reconnu n'importe où. Sous n'importe quel déguisement.

Lorsque leurs yeux s'accrochèrent, le regard émeraude brilla un instant — de défi, de confiance, mais pas de crainte — et Drago décida d'agir.


Il écouta les explications du rafleur. Le tabou avait été brisé — il jeta un bref coup d'œil moqueur à Potter, persuadé que c'était lui qui avait prononcé le nom interdit — et ils avaient trouvé les trois adolescents. Le troisième était peut-être défiguré, mais ils avaient immédiatement identifié les deux complices de toujours du Survivant. Après tout, des photos d'eux circulaient, ils étaient complices de l'ennemi numéro un du Ministère — désormais tenu par Voldemort.

Ils savaient l'importance de leur prisonnier et le Manoir Malefoy était l'endroit le plus proche du lieu où ils avaient capturé les jeunes gens. Ils étaient venus pour avoir la certitude que c'était Potter, avant de le livrer au Seigneur des Ténèbres pour recevoir leur récompense.


Drago n'eut pas à réfléchir. Instantanément, il afficha un sourire cruel et leur annonça qu'il allait mettre les prisonniers dans les cachots. Qu'ils seraient largement récompensés, et qu'il les ferait contacter à l'instant même où leur identité serait confirmée.
Mais celui qui agissait comme un chef protesta immédiatement. Scabior grogna, furieux, l'accusant de vouloir leur voler la gloire, de vouloir profiter de sa position pour récolter les lauriers de cette capture prestigieuse.

Agacé, et craignant par-dessus tout le retour des Mangemorts partis semer la terreur quelque part dans le monde magique, il insista et le ton monta. En dernier argument, il remonta sa manche d'un geste brusque, sentant le regard émeraude le brûler. Sans afficher la moindre émotion, il exposa la Marque des Ténèbres, ignorant le regard effaré de Granger et Weasley. Potter, lui, le regardait calmement, attendant juste, comme s'il lui faisait... confiance. Comme s'il savait déjà ce qu'il faisait.

L'autorité conférée par la marque sembla fonctionner, puisque les rafleurs reculèrent, déstabilisés. Scabior pinça les lèvres, mécontent, mais comprenant qu'il allait devoir céder et laisser au Manoir Malefoy sa prise prestigieuse.

Pour une fois, Potter semblait raisonnable et ne bougeait pas, attendant calmement de voir où Drago voulait en venir. Les rafleurs étaient peut-être moins attentifs, mais il était trop tôt pour faire le moindre mouvement, ils étaient encore trop proches et trop nerveux.
Cependant, alors que Drago pensait qu'il avait gagné, alors que Scabior et ses sbires étaient prêts à partir, et à remettre les prisonniers à Drago, Weasley se précipita comme un taureau furieux, pensant qu'il avait toutes ses chances.
Sous la surprise de ses ravisseurs, il put récupérer leurs baguettes et un combat inégal et perdu d'avance s'engagea entre les rafleurs et les Gryffondor.

Un peu à l'écart, pétrifié par la surprise, Drago maudit le rouquin et son tempérament sanguin. S'il avait attendu juste quelques minutes de plus, il aurait pu se débarrasser des rafleurs et les aider à fuir en toute sécurité. Scabior aurait pu protester, mais il ne se vanterait jamais d'avoir laissé échapper la cible de Voldemort, et ce serait sa parole contre celle de Drago. La parole d'un bandit de grand chemin contre celle d'un Mangemort, proche du Maître, fils d'un aristocrate.

Contrairement aux adolescents, qui se battaient comme ils le pouvaient, les rafleurs ne se préoccupaient pas des conséquences de leurs sorts, et n'hésitaient pas à utiliser de la Magie Noire. Face aux sorts de plus en plus dangereux qui fusaient, Drago avança et croisa le regard de Potter. Un hochement de tête leur suffit pour se comprendre, et ils entamèrent un duel. Cependant, Drago s'arrangea pour neutraliser un des rafleurs, comme par accident.
Potter s'occupa d'un second, montrant sa puissance, affichant un rictus satisfait sur ses traits ravagés par le sort. Weasley et Granger achevèrent de ligoter le troisième après l'avoir stupéfixé.

Il ne restait que Scabior encore debout, furieux, qui se battait contre Potter. Drago ferma un instant les yeux, et souffla, se positionnant pour le neutraliser lui aussi. Au même moment, Potter cria à ses deux amis de fuir, d'un ton sans appel. Il fixa Drago, comme pour l'inviter à le suivre. C'était en tout cas ce que le jeune homme voulait imaginer. Il avait besoin de croire que Potter pourrait oublier la marque sur son bras et comprendre qu'il ne voulait pas de tout ça.

Cependant, Drago était prisonnier. Pas avec des chaînes physiques, mais il savait que s'il disparaissait, ses parents en paieraient le prix. Ils seraient tués, en représailles de sa trahison. Alors, il devait endurer la situation et se résigner.


Durant le bref instant où Drago avait sérieusement envisagé de suivre Potter, ce dernier avait lancé un Repulso au rafleur, gagnant quelques précieuses secondes pour se détourner et détaler.
Mais Scabior était loin de suivre les règles du duel dans cette situation. Sans la moindre hésitation, il leva sa baguette et lança un puissant sort de découpe, un sort noir. Il le frappa dans le dos avec un cri sauvage.

Horrifié, Drago vit Potter fauché dans sa course. Il tomba après avoir trébuché, son tee-shirt gris se teintant brusquement de sang. De beaucoup trop de sang.
Le Serpentard comprit immédiatement. S'il restait immobile, Potter était mort. Stupidement, à quelques pas de la liberté.


Presque par réflexe, refusant de réfléchir à ce qu'il allait faire, Drago leva sa baguette, et hurla « Avada Kedavra ».
Son premier meurtre, commis volontairement pour sauver la vie de Harry Potter.

GingerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant