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- Mamma, cosa fai ? (Maman, qu'est-ce que tu fais ?)

- Chiudi gli occhi. (Ferme les yeux.)

Kenza écouta sa mère, les bras croisés. Ses petites paupières se fermèrent fort et elle s'adossa contre le tronc d'arbre du jardin, le seul d'ailleurs. Du haut de ses cinq ans, elle n'avait qu'une image floue du visage de sa mère. Kenza attendit, les jambes remuant un peu et impatiente de savoir ce que sa mère allait faire. Elle détenait un étrange instrument en bois dans les mains.

- Conosci l'Ave Maria ? (Connais-tu l'Ave Maria ?)

L'Ave Maria arrangé par Franz Schubert pour violon et piano. Kenza en avait peut-être entendu parler. Ça lui avait échappé. Kenza secoua la tête pour dire non.

Une longue note effleura ses oreilles, un Ré fluet, suivie d'une succession de sons proches, harmonieux, glissant au rythme de la légère brise. L'archet frottait sur les cordes fines du violon, les doigts pointaient précisément sur les accords avec dextérité. Les notes s'enchaînaient, bouleversantes, attirantes.

Kenza se laissait aller dans ses songes, hors du temps et l'esprit complètement ailleurs. La musique religieuse la toucha. Plus qu'elle ne l'eut crû. Des myriades de frissons peuplaient ses bras, son cœur.

Le vent agissait comme un chef d'orchestre à la musique. Il valsait lui aussi, s'envolait avec grâce. Tous les éléments extérieurs se mêlaient au spectacle musical.

Le cœur de Kenza explosait en feu d'artifices de joie. La dernière note suspendit le temps pendant un bref instant, l'archet quitta ses âmes-sœurs et Kenza ouvrit enfin ses yeux, admirant profondément sa mère.

- Bravo, bravo !

- Un giorno, ti insegnerò. (Un jour, je t'apprendrai.)

Mais ce jour ne vint jamais.

C'est avec cette pensée douloureuse que Kenza décida d'ouvrir les yeux. Mais les garder ouverts se révéla un peu plus difficile que prévu ; l'intensité lumineuse de la pièce (ou bien les ténèbres étaient la cause de cet aveuglement), la fatigue perpétuelle et ce léger voile gris sur son champ de vision.

Bouger la tête ? Kenza ne pouvait pas, elle n'en avait pas la force nécessaire. Elle sentait à peine le reste de son corps. Dans ce lit, elle se sentait si petite, si frêle. Ses yeux endormis vaguèrent encore un peu vers le plafond. Sa vision se troubla, la piqua. Comme une enfant, elle s'autorisa à pleurer.

Je suis vivante. 

𝐛𝐥𝐚𝐜𝐤 𝐝𝐫𝐚𝐠𝐨𝐧𝐬 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫 🤍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant