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tw;; anxiété, angoisse, nausées +++, déni, TS...

chapitre /!\ sensible

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[¿¿¿]

Un plafond. Blanc. Une respiration. Régulière et discrète. Les paupières papillonnant par moment.
Malgré la chaleur dans la pièce, Kenza frissonnait. Comme si du givre constellait sa peau.

Bien respirer, se calmer ; inspirer, bloquer, expirer ; ne penser à rien d'autre.
Ne penser à rien d'autre.
Ne penser à rien d'autre.
Un écho de vide dans sa tête.

Plusieurs nuits qu'elle dort mal. Elle pense, beaucoup, beaucoup. Quelque chose la traîne. Quelque chose d'urticant, de mauvais.

Ne penser à rien d'autre.
Ne penser à...

Pensée intrusive: un chat traverse une route, un camion arrive.

Bien respirer, se calmer ; inspirer, bloquer, expirer ; ne penser... ne penser à rien... d'autre, n'est-ce pas ?

Le chat est rapide, il a évité le camion. Il se frotte dans l'herbe, lustre ses crocs et sourit ; ce n'est pas pour maintenant.

Le cœur s'emballe un peu. Quelque sueur perle sur son front.

Respirer.
Respirer.
Respirer.

L'estomac gargouille, le ventre se serre.

Faim.

Dans un brouillard épais, Kenza se tourna vers son réveil. L'heure, très tardive.
Elle s'enleva à son lit et traîna jusqu'à sa porte. Elle l'ouvrit, la referma. Clac.
Kenza alluma le petit couloir, les ombres fuyèrent.
Elle marcha jusqu'à la cuisine.

Bien respirer, faire attention à ne pas tomber, marcher droit.

Kenza ouvrit le frigo. Rien.
Elle cligna des yeux, se les frotta. La fatigue la guettait. Le frigo n'était pas trop plein. Elle fouilla pour trouver un paquet de pâtes instantanées au bœuf. Sa tante avait la fâcheuse habitude de les mettre au frais alors que ce n'était pas nécessaire.
Kenza prépara ses pâtes le plus vite possible, patienta afin qu'elles deviennent molles et cuites à l'eau chaude et elle prit des baguettes noires.
S'installant sur le plan de travail de la cuisine, Kenza avala en un rien de temps ce maigre repas.

Faim.
Non.
C'était autre chose.

Des petits tremblements aux mains, un mal de ventre et encore le brouillard.
Les pâtes n'étaient pas assez.
Kenza secoua sa tête négativement.

Pensée intrusive : il est mort par ta faute.

Son cœur battit plus vite. Elle jeta la boîte de pâtes instantanées à la poubelle.

Pensée intrusive : c'est toi qui devrait être là-dedans.

Respirer.
Respirer.
Ne pas perdre le fil.

Kenza posa ses mains sur le plan de travail, la respiration étant cette fois courte et chaude.
Un mal-être s'empara de son crâne et de son estomac.
Elle murmura qu'elle ne se sentait pas bien.
Il fallait qu'elle regagne sa chambre.
Elle éteignit la cuisine mais ses jambes ne la ramenaient pas à sa bulle de confort.
Ses jambes allaient dans une autre direction.
Ses épaules tremblaient, agitées de soubresauts alors que des larmes affluaient sous ses paupières.

Pensée intrusive : Bien fait, bien fait.

Non, non, non !
Kenza resta bloquée sur la poignée des toilettes. Ça remontait, doucement. Trop doucement.

Pensée intrusive : Le chat retourne sur la route.

Un long frisson parcourut la colonne vertébrale de Kenza.

Pensée intrusive : un camion approche, approche.

Kenza ouvrit brusquement la porte des toilettes. Son ventre lui faisait horriblement mal, à s'en plier en deux.

Pensée intrusive : le chat s'arrête et se jette sous les roues gommées.

Elle eut à peine le temps de s'appuyer sur le mur carrelé qu'elle vomit dans les toilettes ; elle crut d'abord mourir à cause de la violence du rejet, elle s'étouffa à moitié à la place.
Quand tout s'arrêta, elle s'était recroquevillée devant la porte, encore tremblante, très pâle, la respiration tout aussi erratique.
Rien ne lui laissait du répit.
Elle voulait juste rentrer à sa chambre.

- Tu devrais y aller.

Kenza se mit à sourire tant bien que mal alors que de grosses larmes dévalaient ses joues.

Shinichiro-senpai était toujours là, après tout. Il ne l'avait pas abandonnée, n'est-ce pas ?
Il était là.
Là, devant.
Avec son éternel sourire et sa main tendue.
Kenza se réconforta avec cette idée chaleureuse.

- Allez, lève-toi. Tu dois aller dormir... toi aussi.

**

Bip, bip, bip.

Le réveil de Kenza sonnait depuis une bonne dizaine de minutes mais une main ne l'avait pas encore arrêtée.

- Kenza ! l'appela pour la énième fois sa tante, tu as ton entretien aujourd'hui ! Tu es en retard, bon sang !

Armée de son tablier autour de sa taille et d'une spatule en bois, sa tante toqua à la porte.

- Kenzaaaa. Si tu te lèves maintenant, tu auras des pancakes.

Sans se gêner d'entrer dans la chambre, elle ouvrit en fracas la porte, les poings sur les hanches.

- MIYAKE KENZA !

Les rideaux avaient été écartés, laissant flâner la lumière du soleil à l'intérieur de la pièce assez impersonnelle ; les rayons éclairaient le lit défait.

Kenza dormait.

Les yeux de sa tante s'écarquillèrent brutalement alors que sa spatule en bois heurta le sol.

- Kenza !!

Des traces rouges zébraient son bras gauche et une tache vermeil avait coulé sur le drap. D'une pâleur effroyable, Kenza dormait.

Sa tante tenait son téléphone contre son oreille, suppliant aux urgences de vite venir, la voix criblée par ses pleurs et envahit par l'angoisse.

En dépit de ça, Kenza semblait esquisser l'ombre d'un sourire.
Son esprit l'avait consumée.

𝐛𝐥𝐚𝐜𝐤 𝐝𝐫𝐚𝐠𝐨𝐧𝐬 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫 🤍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant