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Le front presque collé sur la vitre, Kenza regardait le paysage qui défilait sous ses yeux à toute vitesse. Un brouillon de vert et de jaune, ainsi que des montagnes en arrière-plan. Le siège dans lequel elle était assise, restait plutôt confortable et la table pour poser ses coudes et ses avant-bras ne manquait pas de place. Depuis Tokyo, il s'était écoulé plus d'une heure, les anciens paysages urbains, gris et animés, avaient laissé place à un décor plus naturel, plus proche de la faune et la flore.

Kenza jeta un regard à son compagnon de voyage qui n'avait presque pas sorti un seul mot depuis son entrée dans le train. Elle ne savait pas vraiment à quoi Wakasa pouvait penser. Son regard toujours blasé ne disait rien sur lui. Si on pouvait lire Kenza comme un livre ouvert, Wakasa était un livre bien fermé, cadenassé, avec l'inscription : Attention, chien méchant !

Cette simple pensée fit pouffer Kenza et elle n'eut pour réponse qu'un froncement de sourcils.

- Qu'est-ce que tu as encore ? demanda-t-il sans même la regarder.

- Rien, rien. Je pensais à un truc drôle.

Cette fois, les iris lavande de Wakasa se posèrent sur elle. Sa paume de main retenait son menton et ses doigts faisaient du xylophone sur ses joues. Kenza ne détourna pas les yeux.

- J'avais envie de te dire un truc.

- Ok.

- T'es pas curieux de savoir sur quoi ça ?

Wakasa la darda du regard. Kenza finit par soupirer.

- Pourquoi tu as voulu réellement m'accompagner chez ma tante ? Alors que t'es mal dans les trains.

- Tu as si gentiment demandé.

- Je ne t'ai pas mis le couteau sous la gorge, répliqua Kenza, à moitié vexée.

- Le couteau, non, mais des menaces : oui.

- Quel menteur !

Wakasa leva les yeux au ciel et Kenza lui tapa dans l'épaule.

- Plus sérieusement, reprit-elle. J'avais une histoire à te raconter. C'est à propos de ma mère.

- ...

- Y'a pas longtemps, je suis allée chez ma tante et elle voulait absolument me montrer quelque chose. Tu me connais, je suis curieuse. Donc, je lui demande, tout ça. Elle me dit que c'est une surprise, bla-bla. En fait, elle gardait un vieux piano dans une pièce de la maison mais elle ne voulait pas que j'y aille quand j'étais gosse, donc... j'y suis jamais allée. (Kenza se pinça les lèvres.) C'était sûrement une pièce où ma mère adorait rester. Il y avait pas mal de photos d'elle. Je ne savais même pas qu'elle jouait du piano. Elle devait m'apprendre le violon. Spoiler alert : ça ne s'est jamais fait. Pour revenir à la pièce avec le piano, il était tout poussiéreux, on aurait dit qu'il avait un siècle le truc. Ma tante m'avait prévenue qu'il était désaccordé. Elle a essayé en vain de m'apprendre au clair de la lune, mais ce fut un échec. Et quand elle a joué... Bah... je ne sais pas...

Ses émotions étaient confuses à ce moment. Comment expliquer le lien qui s'était formé entre elle et la musique ? Malgré le bruit dissonant, les touches martelées, le son paraissait beau. C'était hypnotisant. Et ça avait presque fait pleurer Kenza.

- Tu m'excuseras, j'ai un camion dans l'œil rien que d'y penser.

Wakasa n'y répondit rien. Non pas qu'il s'en fichait ou autre, il écoutait juste. Quand Kenza parlait, il oubliait qu'il était dans un train. Elle ne savait d'ailleurs pas vraiment pourquoi il n'aimait pas du tout ce moyen de transport mais qu'importe, elle ne voulait pas le mettre mal à l'aise en lui posant la question directement.

𝐛𝐥𝐚𝐜𝐤 𝐝𝐫𝐚𝐠𝐨𝐧𝐬 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫 🤍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant