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Kenza ouvrit les yeux, un peu aveuglée par tout le blanc qui l'entourait. Elle était allongée. En essayant de se mouvoir un peu, elle s'assit, désorientée. Elle ne savait pas où elle se trouvait vraiment. Kenza se redressa. Elle ne réfléchissait à rien, elle n'y arrivait pas. Le ruisseau de ses pensées était bloqué par quelque chose. Pourquoi se trouvait-elle là ? Comment sortir ?

Kenza marcha dans cet espace blanc. Tout semblait immense, voire infini. Y avait-il même une sortie dans ces lieux ? Elle marcha un peu plus vite. Même ses pas ne résonnaient pas sur le sol. Même en sautant, rien ; aucun bruit. Elle aurait voulu crier, entendre au moins un son dans ses oreilles assourdies par le silence, mais rien ; aucun bruit. Sa gorge restait muette.

Elle ne pouvait, avec ses yeux effrayés, regarder l'espace autour d'elle. Sans réfléchir, elle se mit à courir, courir, jusqu'à sentir ses poumons lui brûler, que ses jambes la tiraillent, jusqu'à s'effondrer en silence contre le sol. Là, aucune douleur. Elle tenta de se pincer.

Rien, rien, rien.

Elle ne ressentait plus rien.

Si la douleur lui était maintenant inconnue, pourquoi son corps la brûlait de l'intérieur après sa course ? Kenza décida d'ignorer la souffrance dans ses jambes et ses poumons enflammés, et de reprendre à courir, toujours plus vite et plus loin.

Jusqu'où puis-je aller ?

Les mains de Kenza agrippèrent ses genoux ; elle crachait de l'air pour respirer, s'étouffant à moitié alors, à bout de souffle et les yeux écarquillés.

Elle se sentait de plus en plus faible.

Une à une, les larmes s'échappèrent de ses yeux ; Kenza les ferma immédiatement mais les pleurs ne s'arrêtaient pas.

Je n'ai pas changé. Je suis toujours aussi faible qu'avant. Personne ne pleurerait dans ce genre de situation.

Kenza sécha ses larmes du revers de sa main mais elles revenaient toujours plus nombreuses.

L'espace blanc se tordait sur lui-même ; des traces noires lacérèrent l'immaculé. Elles se rapprochaient de Kenza. Elle tomba sur ses genoux alors que l'air lui manquait, une longue et lente agonie, à trembler rien qu'à l'idée de mourir asphyxiée.

L'espace blanc se remplissait d'obscur.

Alors que les ténèbres se refermaient peu à peu sur Kenza, elle éclata en plainte silencieuse, le cœur bardé de métal pour ne pas qu'il explose et la souffrance à son paroxysme. L'ombre laissa un cercle blanc lumineux, suffisamment restreint pour que Kenza se voit encore et un objet métallique en face d'elle.

Souvenirs, souvenirs, elle n'avait pas revu cet objet depuis ce jour. Kenza tendit sa main, attrapant le manche et ramenant la lame miroir devant ses yeux. Qu'est-ce qu'elle y voyait ? Une fille perdue ? Une fille en colère ? Ou foncièrement bouffée de l'intérieur ?

Dans les ténèbres, quelque chose se déplaçait furtivement. Sa voix sifflante, basse, Kenza la reconnaissait aussi. Ce quelque chose, cette silhouette.

Elle susurrait : Tu les as abandonnés. Tu penses sincèrement être sauvée ? Tu ne veux pas être un poids pour les autres mais regarde ce que tu as fait. Tu penses au bonheur alors que... tu es toujours  a u s s i  f a i b l e, i n u t i l e.

En écho, inlassablement.

- LA FERME !

Kenza serrait le couteau entre ses doigts. Leurs jointures devenaient blanches. Un souffle glacial s'échoua dans la nuque de Kenza et elle fit volte-face, la lame fendit les airs, ne trouvant aucune cible à trancher.

𝐛𝐥𝐚𝐜𝐤 𝐝𝐫𝐚𝐠𝐨𝐧𝐬 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫 🤍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant