𝐛𝐥𝐚𝐜𝐤 𝐝𝐫𝐚𝐠𝐨𝐧𝐬 | ₍ᐢ ̥ ̮ ̥ᐢ₎ 𝐭𝐫 🤍

10

[2002] 

- Bon sang ! Pourquoi il pleut autant ?? 

Kenza essayait tant bien que mal de s'abriter sous un toit mais la pluie s'infiltrait partout ; Shinichiro restait au milieu de la ruelle, l'eau ruisselant sur son visage, inexpressif. 

- Tu dois voir qui ? 

Si la pluie dissimulait les bruits de pas qui approchaient, Shinichiro laissait approcher une silhouette familière. Kenza fronça les sourcils, ne reconnaissant pas le jeune garçon aux cheveux longs et blancs à la peau tannée qui s'avançait vers eux. 
Kenza jeta un œil à Shinichiro.
T'as l'air de le connaître...
Mais quelque chose n'allait pas. 
Pas du tout même.
Le jeune garçon transpirait d'une indicible colère ; ses poings s'en étaient serrés et son regard... 

- TU LE SAVAIS ! 

Izana Kurokawa. 
Une fois à la portée de Shinichiro, il lui asséna un coup de poing en pleine tête.
Kenza écarquilla les yeux.

- POURQUOI T'AS RIEN DIT ?! 

Shinichiro resta quelques instants sur le sol, ignorant la douleur qui se répandait dans sa tempe et sa joue. 

- Hé !! Ça va pas ?! 

Kenza bouscula Izana par l'épaule, le fusillant du regard avec animosité. Shinichiro s'interposa entre elle et Izana.

- Arrête, Kenza. Ça ne te concerne pas...

Kenza recula, le cœur un peu serré mais elle le comprenait totalement.
Shinichiro se reconcentra sur Izana. 

- Bon... on dirait que tu connais la situation. 

Izana bouillait intérieurement. Shinichiro voulait apaiser les tensions. 

- Mais qu'est-ce que ça peut faire ? 

- "Qu'est-ce que ça peut faire ?" 

Izana empoigna le col du tee-shirt de Shinichiro, la mâchoire serrée et des larmes s'amoncelaient dans ses prunelles orchidées. 

- Tu te fiches de moi ?? C'est justement ce qui est important !! 

Shinichiro ne le quittait pas des yeux, gardant son calme. 

- Pourquoi, Izana ? Lien de sang ou non, ça ne changera rien. 

- TAIS-TOI ! 

Izana resserra sa prise sur le col alors que sa voix déraillait en sanglots. 

- Pourquoi t'es venu vers moi...? Pourquoi ?! 

Izana le lâcha enfin. Malgré la pluie, ses larmes coupaient ses joues, ses cheveux se plaquaient sur son crâne et tout son être débordait d'une tristesse infinie. 
Kenza le regarda avec peine. Ce garçon avait dû en voir des vertes et des pas mûres. Kenza se revoyait plus petite quand elle avait dû se séparer de sa mère biologique. 

- Depuis toujours, j'ai enduré la solitude... Tu sais ce que c'est, Shinichiro ? 

La solitude, un des pires sentiments ; du vide, du vide, encore du vide ; se noyer inlassablement. Peu importe les efforts faits. Shinichiro ne répondit rien. 

- T'es plongé en enfer du jour au lendemain. On t'arrache ton bonheur. 

Izana croisa le regard clair de Kenza, elle venait de se rapprocher. 

- T'es Izana, c'est ça ? 

Il resta interdit. Shinichiro laissa Kenza faire. 

- La solitude, tu la ressentiras toute ta vie.

- ...

- Mais rien ne t'empêche de la combattre, de ne rien abandonner. 

Malgré ses mots, Kenza savait quel genre de personne pouvait être Izana ; un gamin perdu, sur le fil du rasoir, dont la force s'ébranle à la moindre secousse, brisant sa conscience. 
Si quelque chose de grave arrivait, il deviendrait un homme faible, une décadence née. 
Mais ce qui peut s'appliquer aux autres, peut aussi s'appliquer à soi-même. 
Comment se relever ? Comment marcher, si on peut à peine bouger ? Si on peine même à ouvrir les yeux ? On se laisse couler quand on est paralysé, on ne lutte pas ; on se noie et on disparaît. 

Kenza allait l'apprendre à ses dépens.