Une page se tourne

3.2K 201 119
                                    

Charleen

Je tourne en rond dans ma chambre. J'ai sorti plusieurs tenues mais je n'arrive pas à me décider. Que mettre? je pouffe .Question tellement absurde en ce jour...quoi porter pour enterrer sa fille que l'on ne connaît pas et qui nous manque à chaque seconde qui passe...je soupire. Mon choix se porte alors sur un jean noir et un haut bleu turquoise. Bleu comme l'auraient été la couleur de ses yeux. Je sais qu'elle les aurait tenus de son père, de mon amour, de mon mari. Ash...Ash qui culpabilise de n'avoir pu la sauver. Qui m'en veut quelque part du geste inconsidéré que j'ai fait ce soir là, seulement je n'avais pas le choix. Je serais morte de l'intérieur si je l'avais perdu. Je serais devenue une coquille vide, sans âme. Dark m'aura décidément tout pris. Je n'aurai pas droit au bonheur d'être mère. Ma fille ne verra jamais le jour. La porte s'ouvre et je suis toujours dans la même position, en sous vêtement, face à la fenêtre. Je regarde dehors sans voir quoique ce soit. Je porte une main à mon ventre mais la relâche aussitôt. Elle n'est plus là. Elle est partie.

-Charleen tu dois t'habiller il faut partir murmure Ash.

Je hoche la tête, chose que je fais depuis deux jours, aucun son n'ayant réussi à franchir la barrière de mes lèvres depuis cette nuit-là. Je me tourne et le regarde mais c'est comme si je ne le voyais pas. Je m'approche du lit et enfile mon tshirt et mon jean puis rajoute mon blouson et mes bottes. Mes gestes sont mécaniques, sans entrain. Je ne ressens rien, comme anesthésiée de l'intérieur. Il me prend la main et me guide à travers les couloirs jusqu'à la sortie. Je mets mon casque et monte sur sa moto. Je ne vois même pas le regard désolé que me porte tous ses gens autours de moi. Mes yeux fixent le vide et j'attends. Il s'installe devant moi et viens chercher mes mains pour que je m'accroche à lui. Je le fais plus machinalement qu'autre chose. Puis le convoi prend la route. Nous passons par le centre ville et je visualise tous ces visages inconnus qui sont sortis sur le trottoir pour partager ma peine, notre peine. Je peine à en comprendre la raison mais ne me focalise pas dessus.  Passée la barrière des terres de mes ancêtres, le deux roue se gare devant la maison de ma grand mère . De nombreuses  personnes sont déjà présentes. Dyvia vient me serrer dans ses bras mais je suis incapable de lui rendre son étreinte. Mon corps ne me répond plus.Je suis comme une étrangère, spectatrice de cette scène. Derrière la maison, un peu plus haut sur la colline, se trouve le cimetière. Une fois sur place, c'est Grand ma' qui se charge de la cérémonie. Je m'immobilise suite à l'arrêt de Ash et mes yeux tombent sur cette petite boite en sapin. Mon coeur chute de dix étage et saigne. J'ai l'impression de suffoquer. Je manque d'air .C'est grand Ma' qui me ramène un semblant de calme par son chant indien. Elle invoque les esprits comme elle me l'a déjà expliqué quand elle me narrait les cérémonies qu'elle pratiquait. Je ne m'étais pas imaginée en voir une d'aussi près. Tout du long, j'ai l'impression d'entendre un chant, une douce mélodie qui m'apaise. Je ferme les yeux et me laisse envahir. J'aimerai tellement l'avoir une dernière fois dans mes bras comme je l'ai tenue mais elle repose là, enfermée dans cette boite. Je vois tout le monde se déplacer, faire des signes et jeter une poignée de terre pendant que l'on descend son corps sous la terre. Je ne peux pas bouger. Je les dévisage un à un mais reste à ma place, les deux pieds encrés dans le sol. Ils repartent un par un comme ils sont venus. Il ne reste plus que Ash, mon père, Chayton, Dyvia, Grand ma' et moi.

-laissez là cinq minutes, dit Grand ma' d'une voix douce. Nous vous retrouverons un peu plus tard. 

Ash va pour protester mais s'arrête sous le signe de tête que lui fait Grand Ma'. Ils me laissent seule avec elle . Elle se place face à moi et me fixe longuement.

-Tu peux pleurer maintenant mon enfant.

C'est comme si elle avait pressé un interrupteur. Les vannes s'ouvrent et je tombe à genoux. Je hurle ma douleur face au vent qui s'est levé et qui l'emporte avec lui.  Mes larmes débordent. J'ai tellement mal. Comment un minuscule petit être peut -il créer en moi une vague de souffrance si intense? 

THE HOUNDS OF HELL: CHARLEEN ET ASHTON PARTIE 1 / TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant