Chapitre 2

10.5K 638 114
                                    

Le noir, le noir est une couleur que je déteste, c'est la couleur du sang séché sur les cadavres qui ont pourris au soleil l'été, c'est la couleur des ténèbres et de la malfaisance.

Lors de mon réveil ma joue gauche brûle d'une douleur que je n'avais ressentis depuis longtemps. Mes bras sont engourdis, mon corps refuse de bouger, chaque muscle pèse une tonne sous ma peau. 

Mes paupières semblent scellées par une force invisible, collées l'une à l'autre, je peine à les ouvrir.

L'odeur du feu de bois chatouille mes narines et pique ma gorge. Un son roque s'échappe de cette dernière tandis que j'articule quelques mots inaudibles. La sensation de me réveiller d'un sommeil de cent ans entraîne une piqure douloureuse dans le bas de mon dos.

Après quelques secondes à me débattre, j'ouvre progressivement les yeux, la lumière éblouissante d'un soleil de midi perce entre mes cils et agresse mes pupilles. Devant moi se dessine la silhouette carrée d'un jeune homme.

Dans ma cage thoracique mon cœur débute une course folle. Par réflexe j'esquisse un mouvement de recul et l'arrière de ma tête vient heurter avec violence le tronc d'un arbre. Je peste de douleur lorsque le rire mélodieux de l'inconnu m'interpelle.

-J'ai presque mal pour toi.

Sous mes pieds nus je sens la rugosité de la terre picoter ma peau. Une goutte de sueur perle et glisse le long de ma tempe avant de s'écraser sur le tissu décoloré, que dis-je, le haillon que je porte.

-Où suis-je ?

Mes yeux se posent sur la forêt environnante très luxuriante, l'air est lourd et chargé d'humidité. Je semble bien loin de chez moi. Le jeune garçon se redresse et écarte les bras d'un geste théâtral, un sourire incurvant le coin de ses lèvres roses.

-Bienvenue à Neverland.

Un temps de silence succède son aveu. Mes yeux se posent sur le camp de petites cabanes aux toits de chaume, qui s'étale sur ma droite.

-Le ..pays imaginaire ?

Mes sourcils se froncent tandis que je retiens un rire nerveux. Ai-je été kidnappé dans mon sommeil par une bande de garçons solitaires vivant dans les bois ?

Du coin de l'œil je jauge le blond du regard. Ses cheveux dorés semblent décolorés par le sel et le soleil, sa peau bronzée souligne un regard vert qui se lie à la tunique de toile qu'il arbore. Autour de sa taille, se trouve une ceinture de cuir à laquelle pend une longue dague dans son fourreau.

-Neverland ? demandais-je d'une petite voix.

Sans ouvrir la bouche il acquiesce en croisant ses bras sur son torse.

-Ma joue me brûle, geignis-je.

Je tente d'amener ma main à cette dernière mais elles sont toutes deux fermement attachées par une corde rustique usée. De nouveau mon regard se pose sur le blond qui me détaille de haut en bas.

-Une fille ? 

Son ton nonchalant tirant sur la déception pique ma colère et ma surprise. Je n'ai certes jamais été une icône de beauté, ou modèle pour les plus grands magasines, mais j'estime rester dans une moyenne convenable. Et puis après tout la beauté c'est extrêmement subjectif.

-Pourquoi m'avoir attachée ? 

Il ignore ma question et s'approche pour passer une main dans mes cheveux. Par réflexe mon corps est secoué d'un spasme et je me blottis un peu plus contre l'arbre.

-Et une pleurnicheuse en plus.

Mon regard se pose sur les dizaines de cabanes qui nous surplombent dans les arbres, reliées par des ponts de singe qui paraissent tous plus instables les uns que les autres.

NeverlandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant