Neverland

Chapitre 30

Le souffle court, ma voix reste bloquée dans ma gorge et impossible de l'en déloger.
Est-il sérieusement en train de se foutre de ma gueule ?!
Gênée de toute cette mascarade mais aussi de tous les regards braqués sur nous je me détache de Newt en posant ma main sur ma poitrine. Qui aurait cru que ce serait si douloureux de l'entendre dire ça.

-Tu l'as embrassé ?

Incapable de cacher sa jalousie naissante Newt me fixe avec désespoir. La situation est si compliquée que je ne pourrais jamais tout lui expliquer sans qu'il ne me prenne pour une folle. Presque mécaniquement je réponds.

-Une fois.

Nouveau mensonge qui s'ajoute au palmarès déjà impressionnant. Après tout au point où j'en suis.
Le front barré par une ride d'incompréhension il relève mon visage à l'aide de deux doigts.

-Est-ce-que tu l'aimes ?

Les larmes menacent de couler, je ne veux pas mentir à Newt mais il ne mérite pas que je le blesse alors qu'il a été si bon pour moi.

-C'est bien lui dont tu m'avais parlé non ? Celui qui t'a rejeté ? Peter ... Peter Borning ?

En plaquant ma main sur ma bouche je réprime un sanglot en hochant la tête de haut en bas. Oui je l'aime, c'est lui que j'aime plus que n'importe qui. Je ne veux être qu'avec lui.

-Ne t'inquiètes pas. Je ferai en sorte que tu ne vois plus que moi.

Loin d'être découragé Newt dépose un baiser sur mon front en me serrant contre lui. Sa persévérance est un aspect craquant de sa personnalité qui en additionne plusieurs autres.

En chemin pour la prochaine heure de cour, nous croisons devant la salle Peter entouré de sa nouvelle bande mais aussi de la clique de Lola qui se presse à ses côtés pour le réconforter.

Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel et de me ruer à l'intérieur pour ne plus avoir à supporter ce spectacle navrant.
Sans un mot Tara me rejoint, j'apprécie son silence, elle semble comprendre que je n'ai pas très envie de parler de toutes ces péripéties auxquelles la moitié de l'Université a pu assister.
Avec énormément de flemme je sors mes affaires et me prépare pour un coeur d'anglais qui s'annonce plus ennuyeux que prévu.
Avachie sur ma table je ne prends même plus la peine de noter ce que la prof débite à une allure follement inhumaine.

La curiosité qui me ronge me pousse à jeter un coup d'œil peu discret à Peter qui n'écoute pas un traitre mot de la leçon et tient une discussion particulièrement animée avec Lola et Jason quelques sièges plus haut.
Son absence totale de remords me provoque un terrible pincement au cœur que je peine à ignorer.
Si tu savais dans quelle position délicate tu me places Peter Pan.

Le reste de la journée s'écoule lentement mais sans accrochages particuliers. Jason et Tom se proposent de raccompagner Peter en voiture qui ne se gêne pas pour éviter une quelconque marche en ma compagnie.

Sur les nerfs je rentre chez moi en traînant des pieds, mes écouteurs profondément enfoncés dans mes oreilles.
Devant la porte j'hésite longuement à entrer. Comment va être l'ambiance ? Va-t-il au moins daigner m'adresser la parole ?
En soupirant je tourne la poignée pour tomber nez à nez avec Peter qui s'applique à défaire ses lacets.
Un moment nous nous observons mais rapidement nos fiertés personnelles nous font tourner la tête pour mieux ignorer l'autre.
Plus négligemment que jamais je balance mes chaussures au sol et gravis les marchés de l'escalier en quatrième vitesse. Crevard crevard crevard.