Chapitre 23

284 34 32
                                    

J'ai l'impression que je viens de m'endormir lorsque des coups frappés à ma porte me tirent brusquement du sommeil. Je regarde l'heure : 6h28. La première idée qui me vient, c'est que Connor est descendu pour me dire bonjour, comme hier. Cela me paraît bien matinal, mais je ressens des picotements de plaisir dans la poitrine. Les coups recommencent. Cette fois, j'entends une voix pressante :

- Sam, ouvre ! Sam, c'est Mel.

Je me redresse aussitôt, en alerte. Sa visite surprise ne me dit rien qui vaille. Pressé par l'inquiétude, je saute du lit.

Le visage ravagé par les larmes et la colère, elle s'engouffre dans ma chambre comme une tornade à peine la porte entr'ouverte. Elle est déjà habillée. Arrivée au milieu de la pièce, elle me fait face et se met à hurler :

- Merde ! Qu'est-ce que tu lui as fait ? Hein ? Qu'est-ce que tu lui as fait ? Et pourquoi tu m'as fait ça, à moi ? Je veux comprendre !!

Je suis trop surpris pour réagir. Je sais juste que c'est la merde.

Elle balance rageusement sur le lit les feuilles qu'elle tenait dans la main et reprend de plus belle :

- Et ça, c'est quoi ? Je te déteste, je te déteste !! Pourquoi tu l'as laissé faire, pourquoi ? Mais Regarde ça ! Regarde-toi bordel !

Tandis que Mel se laisse tomber au bord du lit en suffoquant de douleur, je jette un œil. Une vingtaine de dessins sont éparpillés sur le lit. C'est moi. Moi, moi, moi et encore moi. Qui joue de la guitare. Qui fais du ski. Qui bois un verre. Qui regarde la télévision. Qui conduis le Chevrolet. Qui joue de la guitare, encore. Et il y a un portrait. Sur lequel je regarde Connor. A sa vue, mon ventre se serre de joie – comment est-ce possible alors que tout est en train d'imploser ? – parce c'est tout simplement une déclaration d'amour, à la fois dans la façon dont il m'a dessiné et dans le regard que je lui adresse ; mais à peine ai-je formulé cette pensée que mon ventre se tord d'angoisse et de douleur : c'est fini.

Je me dirige vers Mel, incapable de dire quoi que ce soit. Elle pleure, le visage enfoui dans ses mains.

- Qu'est-ce que tu lui as fait ? Pourquoi tu me fais ça ? Tu sais que ça me fait du mal. Tu n'avais pas le droit d'essayer de me le prendre.

- Mel, ce sont des dessins. Juste des dessins.

Je trouve ma défense pitoyable et inutile : mais que pourrais-je dire d'autre ? Je suis tétanisé et complètement paniqué à l'idée du naufrage que nous sommes en train de vivre. Je n'étais pas prêt.

Elle relève la tête et me fait de nouveau face. Elle pousse mon épaule du plat de la main, avec une force décuplée par la fureur qui me fait reculer, et se remet à crier :

- Juste des dessins ! Mais regarde, bordel ! Regarde ! Tu l'obsèdes ! Tu sais qu'il aime ce qui est beau ! Tu le sais ! Et toi, tu arrives, comme ça ! Il n'a dessiné que toi depuis le début ! Il cachait ses dessins ! Il ne voulait pas me les montrer !! Pourquoi à ton avis ? Hein, pourquoi ? Je te le demande ! Alors ?

Elle hausse les sourcils pour signifier qu'elle attend une réponse. Mais je n'ai rien en tête qui pourrait justifier quoi que ce soit.

- Tu vois ? Tu n'as rien à dire pour ta défense, parce que tu es indéfendable. IN-DÉ-FEN-DABLE ! Si j'avais su, jamais, jamais je ne l'aurais invité ! Si j'avais su que tu allais me trahir comme ça ! Tu es jaloux ? C'est ça ? Tu es jaloux ? Tu ne pouvais pas me faire ça ! Tu n'avais pas le droit ! gémit-elle en faisant les cent pas dans la pièce.

Je soupire lentement : si elle savait à quel point elle est proche de la vérité ! Mais je reste silencieux, conscient que la seule chose à faire est d'affronter la tempête. Enfin, quelques mots me viennent, comme une évidence :

Les étoiles de Persée 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant