Les étoiles de Persée 1

Chapitre 12

Les autres ont récupéré les 3 motoneiges. Le ciel est un peu couvert, mais il ne fait pas trop froid : nous devrions pouvoir profiter de la forêt et des sentiers qui la jalonnent.

Mel monte derrière Connor – bien évidemment. Lya est avec moi – c'est elle qui prend le volant, et Jonas est seul sur la sienne.

C'est juste superbe. Les pins enneigés et les trous de lumière. Les rondeurs duveteuses formées par la neige enveloppant un rocher, un buisson ou les ruines d'une cabane. Les cristaux de glace étincelant dans l'obscurité des sous-bois. Connor s'arrête presque toutes les 5 minutes pour prendre une photo. Pour les couleurs. Pour le détail. Pour l'atmosphère.

Ça m'agace, mais quand je me remémore ses dessins, je sais combien c'est essentiel pour lui. Alors je compose... c'est comme ça qu'on dit, dans le monde des adultes ? Il faut croire que je finirai par savoir me conduire de façon sensée, finalement.

Et puis, cette balade me transporte littéralement : un sentiment d'exaltation m'envahit peu à peu, l'air glacial que j'aspire à grandes bouffées anesthésie ma colère et ma frustration. Je me gave du paysage qui défile, de l'horizon qui s'offre à nous parfois au détour du sentier. Je respire. Je respire.

Durant les heures qui suivent, j'essaye d'éviter Connor au maximum – ce qui n'est pas très difficile dans la mesure où il adopte la même stratégie. De ce fait, la journée se passe bien. C'est reposant. D'autant que lorsque nous arrivons aux sources, le ciel se découvre et nous offre une fin d'après-midi lumineuse. Nous profitons du soleil avant qu'il ne disparaisse derrière les sommets. La lumière rasante teinte le paysage d'une lumière orangée, c'est magnifique.

Nous jouons dans l'eau comme des gamins. Mel et moi remportons presque toutes les manches de la bataille navale : perchée sur mes épaules, elle se montre redoutable pour déséquilibrer l'adversaire. Je triche un peu en éclaboussant Jonas ou en lui faisant des croche-pieds, mais il ne peut rien prouver et je sais très bien feindre l'indignation : le score est donc sans appel.

Connor est installé sur un fauteuil, dans le hall d'accueil du centre. Il n'a pas voulu se baigner, malgré l'insistance de Mel. Tant mieux, j'aurais été vraiment mal à l'aise.

Il nous observe derrière la vitre – il nous dessine peut-être. Je ne sais pas et franchement, je préfère ne pas savoir. J'essaye de profiter un maximum de la présence de mes amis. Lui n'est qu'une pièce rapportée, non ? Il ne compte pas vraiment, si ? Je choisis en toute mauvaise foi de ne pas répondre à cette question : cela me fait du bien d'envisager que c'est le cas.

La nuit tombe quand nous arrivons au chalet.

Je me sens plutôt bien. Ouf. Je ne pensais pas que cela serait si facile. En faisant comme s'il n'était pas là, finalement, je ne m'en sors pas trop mal.

Après la douche, j'enfile un jean et un tee-shirt à manches longues noir assez ajusté. A mon arrivée dans le salon, Connor et Mel regardent ensemble les photos qu'il a prises pendant la balade en motoneige. Elle s'extasie pour chaque prise de vue, je me demande si ce n'est pas un peu excessif.

Je préfère m'éloigner et rejoins Lya dans la cuisine. C'est elle qui prend les commandes de la préparation du repas, ce soir : au menu, spaghettis à la sauce tomate et aux poivrons.

Comme la veille, nous nous installons autour du plan de travail pour prendre un verre et accompagner le cuisto du jour.

La veille. C'était hier soir, ou il y a une éternité ? Nous étions 4, nous sommes devenus 5. Et à présent, j'ai l'impression d'être seul... enfin, ce n'est pas tout à fait exact : je me concentre sur les 3 personnes qui m'entourent, je les regarde un à un. Ils sont avec moi et je ne suis pas seul. Cette idée simple me réchauffe.