Chapitre 15

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*29 décembre*

J'ouvre les yeux. Le soleil s'infiltre entre les rideaux, c'est la promesse d'une belle journée.

8h07. Je fais le calcul rapidement : j'ai dormi un peu plus de 4 heures. Ça risque d'être compliqué de tenir sur les skis jusqu'au soir.

Je repense à nos heures nocturnes : la musique, les confidences, les baisers.

Connor a une sœur, lui aussi. Elle a 14 ans je crois. Leurs parents dirigent l'agence immobilière d'Albuquerque du réseau Cornell. Ils s'écharpent du matin au soir, tant dans leur vie professionnelle qu'à la maison. C'est juste l'enfer.
Au début, Connor a essayé de calmer le jeu, de s'interposer. Mais leurs différends sont tellement profonds qu'il a préféré prendre de la distance : quand il sent venir l'orage, il disparait. Sammy fait de même. Ils continuent d'avancer sans leurs parents. Malgré leurs parents.

Sa mère lui a annoncé peu de temps avant Noël qu'elle envisageait de retourner en France.

- Tant mieux. La distance permettra à tout le monde de souffler. Mon père travaille quasiment 24 heures sur 24, alors ça ne changera pas grand-chose à sa vie, ni à la nôtre. Samantha choisira peut-être de la suivre. L'essentiel est que les batailles rangées cessent. Le reste, je m'en fous. Je veux tenter les Beaux-Arts, avec ou sans eux. Non, je veux réussir les Beaux-Arts... nuance !

Il m'a fait un clin d'œil et m'a embrassé. Un baiser parmi les dizaines d'autres.

Je souris à ce souvenir. Je dois avoir l'air d'un débile : heureusement que personne ne me voit !

Je me secoue. Nous avons convenu de partir à 9h30 au plus tard : il faut que je me lève. Maintenant !

J'ouvre la porte de ma chambre et m'immobilise instantanément : il est là, dans la pénombre du couloir, adossé au mur d'en face, les mains au fond des poches. Ses cheveux tombent un peu devant ses yeux. Il me plait beaucoup dans cette attitude négligée.

- Qu'est-ce que tu fais là ? C'est à la fois une question et une constatation. C'est surtout une belle surprise. Mon cerveau tente bien de glisser l'idée qu'il nous fait prendre des risques inutiles, mais je l'ignore royalement.

D'un coup d'épaule, Connor se redresse. Il me détaille un moment sans dire un mot : je suis en débardeur et en pantalon de coton, bref, pas terrible. Mais ses yeux pétillent ; il a l'air d'un gamin en train de préparer un coup pendable.

Il finit par se pencher et saisir mon poignet. Il m'attire lentement à lui, pose son autre main dans le creux de mon dos pour me rapprocher encore. Nos deux corps n'ont jamais été aussi près l'un de l'autre. Je sens la chaleur de sa peau à travers nos vêtements.

- J'avais trop envie de venir te dire bonjour... au moins une fois, murmure-t-il dans mon oreille. Sa main qui enserrait mon poignet remonte le long de mon bras, caresse mon épaule nue et se pose sur ma nuque. Il l'incline doucement. Je sens ses lèvres tièdes effleurer la peau de mon cou. En théorie, je déteste. Sauf qu'à ce moment précis, j'adore. Ma peau frissonnante en est une preuve. Mes mains ne me servent à rien. Je les glisse sur ses hanches, sous son tee-shirt. Il tressaille et se redresse dans la seconde, pour plonger ses yeux dans les miens. Il enserre mon visage entre ses doigts avec une douceur incroyable.

- J'ai tellement eu raison de venir... tu es juste super beau, au petit matin. Je voudrais te voir te lever tous les jours. Je voudrais... » mais il n'a pas le temps de terminer sa phrase : je prends ses lèvres. C'était insupportable d'attendre.

Des pas résonnent soudain dans l'escalier. Nous nous écartons précipitamment, mais nous ne pouvons nous empêcher de sourire, heureux d'avoir volé un moment à l'Éternité, à son insu.

Il s'éloigne rapidement vers le salon.

- Salut Connor !

C'est la voix de Jonas. Mauvaise pioche : il va forcément faire une remarque. Ce gars a un radar implanté dans le crâne – je ne vois pas d'autre explication.

- Salut ! Je te fais un café ?

- Oui, je veux bien.

Je l'entends finir de descendre les escaliers et se diriger vers la cuisine. Fausse alerte, je me suis inquiété pour rien, finalement.

- Alors, Sam est réveillé ?

Ou pas.

Sans attendre la réponse de Connor, je m'enferme dans la salle de bains en soupirant.

Dans la cuisine, les conversations vont bon train, dans une effervescence bien matinale. Mon arrivée passe inaperçue, ou presque : Mel et Jonas sont penchés sur leur téléphone, Lya semble faire une liste et Connor... Connor, lui, assis à l'autre bout du comptoir, m'adresse un clin d'œil le visage à demi caché derrière sa tasse de café. Je m'autorise à lui répondre, puisque personne ne nous observe.

Ce matin, Connor m'appartient un peu. La couleur de ses yeux, ses mains enserrant son mug, son souffle léger et la douceur de sa langue, ses épaules et la peau de son ventre. Je les connais. Un peu. C'est le premier matin. Et il n'y en aura que deux.

- Alors c'est ok pour Sarah et Carolyn. Elles se sont mises d'accord avec Michaël, ils viennent ensemble, annonce Mel avec entrain.

Lya pousse un cri de victoire et se lève pour une petite chorégraphie improvisée.

- Il vient ! Il vient ! Il vient !!!!

Je m'assois près de Jonas en sortant mon téléphone.

- Salut, mec. Bien dormi ? marmonne-t-il sans même relever la tête, trop occupé à pianoter sur l'écran. J'essaye de deviner s'il faut y voir un signe... puis je me raisonne : si ça continue, je vais devenir parano !

- Salut Jonas. Ouais, ça va... et toi ?

- Mmmh...

- Tu veux un café, Sam ?

Connor me tend un mug fumant. Je hoche la tête en souriant, trop heureux à la perspective de vivre cette journée en pouvant lui parler et le regarder librement. Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas, à l'évidence.

- Merci.

- Avec plaisir ! dit-il simplement, en reprenant place en bout de table.

Nous continuons de lister les invités pour le réveillon : Josh et Henry ont dit oui ; Carla sera là, mais pas Tony. Parmi mes cousins, James et Talia viennent aussi. Rick les emmènera avec Dylan et Sofia, qui passent quelques jours chez eux.

Il semble en fait que la terre entière soit motivée pour faire de la route et passer le réveillon dans un chalet perdu au milieu des sapins.

Lya, qui s'est improvisée secrétaire de séance, récapitule ses notes.

- Alerte, Alerte ! Josh demande s'ils peuvent venir avec George et Zoe. » l'interrompt soudain Mel en levant le bras.

On se concerte rapidement. Zoe est la rédactrice en chef du journal du Lycée, auquel je contribue parfois dans la rubrique scientifique, mais je ne sais pas qui est George. Mel déduit que puisque Zoe est une très chouette fille, George ne peut qu'être tout à fait recommandable. Ses raisonnements sont parfois extrêmement simplistes, mais imparables. George et Zoe comptent donc parmi les invités.

A 9h30, comme prévu, nous quittons le chalet, direction Wolf Creek. Le temps est splendide, et j'ai hâte de monter sur les skis. 

Les étoiles de Persée 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant