Chapitre 41

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En sortant de la bibliothèque, je jette un œil dans la chambre : il y est peut-être. Elle est plongée dans la pénombre :

- Connor ?

Pas de réponse. Je me dirige vers le salon en l'appelant de nouveau. Mon cœur trépigne d'impatience dans ma poitrine : j'ai besoin de le voir et lui parler tout de suite, lui présenter mes excuses, lui dire que je veux qu'il existe dans ma vie, évidemment, à chaque heure du jour ou de la nuit, où que je sois, où qu'il soit. Lui annoncer que je l'ai choisi. Comme il m'a choisi, lui.

- Connor ?

Assise dans le canapé, Lya se lève brusquement à mon arrivée, les yeux effarés. Je m'immobilise net, intrigué par l'expression de son visage.

- Tu as vu Connor ?

Elle fronce les sourcils comme si ma question relevait de la physique quantique et balbutie finalement, en jetant des coups d'œil inquiets vers la porte :

- Sam... il est parti.

Il y a eu comme une sorte de microcoupure électronique ou quelque chose de similaire dans mon cerveau, parce que je n'ai pas compris ce qu'elle a dit.

- Quoi ?

Elle avance vers moi – son visage affiche un air effondré et apitoyé. Carrément : apitoyé.

- Il est parti, Sam.

- Mais il revient, hein ?

Elle hausse les épaules en me regardant comme si j'étais une petite chose fragile – je déteste ça – puis elle secoue la tête :

- Je ne sais pas.

Manifestement, quelque chose lui échappe. Et à moi aussi. Je ferme les yeux un instant, essayant de contenir le grondement de panique qui se met à déferler en moi. Il va revenir. Il était en colère, il est parti faire un tour, mais il va revenir. Cela n'est juste pas possible autrement. Quand je rouvre les yeux, Lya n'a pas bougé. Merde. J'aurais préféré que cela soit un cauchemar. Elle esquisse un sourire réconfortant et impuissant.

- Je vous ai entendus vous disputer... mais il ne m'a rien dit en partant.

Je hoche la tête sans un mot, vais jusqu'à la fenêtre pour constater qu'en effet, sa voiture n'est plus au pied du chalet, et fais demi-tour vers ma chambre. J'allume mon téléphone, le cœur battant, le souffle court. C'est Hiroshima dans ma tête. Toutes mes pensées se télescopent dans des bouquets d'étincelles auxquels je ne comprends rien.

Sa messagerie s'enclenche après quelques sonneries.

- Connor, c'est moi. Rappelle-moi s'il te plaît.

Il va me rappeler. Impossible d'envisager autre chose. Je commence à arpenter la chambre – notre chambre - de 15 m² de long en large, le téléphone à la main dans la pénombre. La pression dans ma poitrine s'accentue au fil des minutes qui s'écoulent. Je veux lui parler. Je dois lui parler. J'ai besoin de respirer. Je vais à la fenêtre que j'ouvre en grand, et avance sur le balcon enneigé. L'air froid de la nuit me saisit. J'inspire longuement pour sentir la glace cheminer jusque dans mes poumons, histoire de gagner quelques secondes. Je scrute le paysage qui s'étend devant moi dans la pénombre, au cas où mes yeux distingueraient une forme, une lueur, quelque chose. Mais pas un mouvement ne vient troubler la nuit calme et paisible : il n'est pas là, évidemment. J'essaye de rappeler à ma mémoire ce que nous nous sommes dit, pour relever des indices, savoir où il peut être. Seules des horreurs me parviennent – est-ce qu'il n'y a pas un seul instant où j'ai fait preuve de bonne foi ?

20 minutes. Je ne parviens plus à contenir la tension qui monte en moi, je passe la langue sur mes lèvres en refermant la fenêtre, expirant autant d'air que je le peux. Je rappelle. Sonnerie. Messagerie. Est-ce que je laisse un message ? Oui ! Évidemment.

Les étoiles de Persée 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant