Chapitre 40

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Je tourne vivement la tête en fronçant les sourcils sous le coup de l'incompréhension : la silhouette de Connor s'encadre sur le seuil de la bibliothèque, le regard noir et la mâchoire serrée.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Il y a quelqu'un ? interroge Mel inquiète.

- Je te rappelle, lui dis-je simplement. Et je coupe le téléphone, puis je me lève face à Connor, sans savoir à quoi m'attendre, même si une petite voix sarcastique me souffle que cela ne va pas me plaire. Mon cœur bat à 10 000 à l'heure au moins.

- Quoi ?

- J'ai l'impression d'halluciner, en fait. Sa voix est glaciale et tranchante.

- Je ne sais pas de quoi tu parles exactement, Connor. 

Je m'efforce de ne pas céder à l'irritation qui me gagne, cela ne ferait qu'empirer cette situation absurde.

- Tu ne sais pas ?

Il ricane de façon méprisante – je crois qu'il me cherche en fait – puis continue :

- Bon alors on y va puisqu'il faut que je te tienne la main pour réfléchir : c'est quoi le plan ? Il faut que tu m'expliques comment tu vois les choses, hein ? Quand est-ce que tu envisages de me sortir au grand jour pour me dépoussiérer ? Tous les 15 du mois ? A chaque nouvelle lune ? Ou bien préfères-tu une histoire en mode « double vie », bien cloisonnée, pour préserver ton petit confort ?

Je commence à entrevoir ce qui le met dans une telle colère. Il a manifestement entendu une partie de notre conversation – une partie seulement ? Sauf que rien, dans cette conversation, ne justifie son emportement, selon moi. Absolument rien ?

- Ecoute... Il n'est évidemment pas question de ça ! Mais on ne va pas s'arrêter de prévoir des choses ensemble sous prétexte que...

- Ah oui... c'est vrai... « et pourquoi est-ce que les choses ne redeviendraient pas comme avant » ? Hein ? Ben je vais te dire : je n'étais pas là, avant.

- Mais tu es là, maintenant. Mel et moi, ça fait plus de 6 ans qu'on se connait, ok ? Ça veut dire qu'elle a été plus grande que moi, qu'elle m'a vu en maillot de bain avec des cuisses de grenouille – je me demande même s'il n'est pas arrivé qu'elle me voie à poil quand j'avais 12 ans, elle m'a aidé à mettre mon casque de vélo des dizaines de fois, elle m'a vu avec des bagues sur les dents... Et il se trouve que c'est mon ex.

Je vois bien qu'il tique à ces paroles. Et même moi, je ne suis pas sûr que c'était vraiment utile de le rappeler.

- Elle m'a vu grandir, Connor. Nous nous sommes tous les 4 vus grandir, bordel. 6 ans ! C'est presque la moitié de notre vie. Et c'est normal que nous continuions de la vivre, non ?

- Oui bien-sûr, on ne change rien, surtout. C'est tellement facile. Est-ce que tu ne vois pas un petit problème, là ?

- Mais tu veux que je change quoi ? C'est facile pour toi ! Je ne connais personne autour de toi, je ne sais même pas à quoi ta vie ressemble, qui sont tes potes. Rien ! On se connait depuis une semaine, merde ! Ça ne remet rien en cause dans ta vie de tous les jours, à toi ! Avec Mel - vous n'avez été ensemble que 4 mois... Alors qu'elle fait partie de ma vie, ma vie de tous les jours. A ton avis, que se passera-t-il, lorsque je lui dirai « non, ce week-end, je ne peux pas, je vois
Connor » ? Je vais te le dire : ça va tout démolir. La démolir elle, démolir notre amitié et ça nous impactera tous les deux aussi forcément. Ça ne facilitera rien pour personne !

Je ne parle plus, je crie. La colère bouillonne dans mes veines à présent. Je voudrais pouvoir arrêter ça tout de suite, d'un claquement de doigts, avant que nous n'allions trop loin. Mais je refuse tout compromis. J'ai vraiment le sentiment qu'il outrepasse les règles – en évitant soigneusement de me demander si je ne suis pas carrément en train de les piétiner. Je suis très fort, en matière de mauvaise foi.

Les étoiles de Persée 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant