Chapitre 19

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Nous sommes arrivés les premiers au chalet. Le soleil a disparu derrière les sommets : le ciel commence à s'assombrir. Je lance le feu dans la cheminée et allume les abat-jours un à un : une lueur douce et orangée inonde peu à peu le salon.

Avant d'aller prendre une douche, j'appelle ma mère pour l'informer des derniers détails concernant le nouvel an. Serena réclame le téléphone : nous discutons quelques minutes. Après m'avoir rappelé pour la cent-douzième fois de ne pas oublier sa surprise, elle me fait un bisou sonore et raccroche. C'est une habitude que j'ai prise, au fil du temps : lorsque je m'absente, je lui rapporte systématiquement un petit présent, presque rien parfois. Un peu comme si je voulais me faire pardonner ma défection – ce qui est parfaitement débile, j'en suis conscient. La vérité, c'est que je suis juste complétement dingue de ma sœur et que j'aime faire pétiller ses yeux. Toujours est-il que dorénavant, elle n'hésite plus à me rappeler à mon « devoir ».

Lorsque je reviens dans le salon, celui-ci est vide. J'aperçois l'anorak de Connor accroché dans l'entrée : tout le monde est rentré. Il fait nuit à présent – je regarde l'heure : 17h15. Il vaut mieux que je ne tarde pas.

Tout en enfilant mon blouson, je lance d'une voix forte :

- Je descends à Pagosa ! A tout à l'heure !

Je ne sais pas si quelqu'un m'a entendu, mais Jonas et Lya sont prévenus, de toutes façons. Dehors, il fait un froid glacial : je commence à descendre les escaliers lorsque j'entends la porte s'ouvrir.

- Où vas-tu ? La voix de Connor résonne sèchement dans la nuit.

Je me retourne, intrigué. Je ne distingue pas ses traits dans l'obscurité, d'autant plus que sa silhouette apparait en contre-jour, mais son attitude figée ne laisse présager rien de positif.

- A Pagosa. Pourquoi, ça pose un problème ?

Je n'essaye même pas de dissimuler l'irritation qui me gagne face à son arrogance. J'enfouis mes mains dans les poches de mon blouson en attendant qu'il réponde. Ce qui ne tarde pas : son ton est cinglant.

- Non, aucun problème. Je suis juste hyper furax.

Non ! Ah bon ? Sans blague ! Je penche la tête d'un air que je veux le plus condescendant possible en le toisant du regard.

Il ferme la porte derrière lui – il n'a qu'un pull à col montant sur les épaules, il va finir par geler sur place, mais comme d'habitude, le froid n'a pas l'air de le déranger. Maintenant qu'il est sous la lune, j'entrevois son visage. Je ne l'ai encore jamais vu aussi fermé. La colère embrase son regard. Des volutes de vapeur blanche s'échappent de ses lèvres. Il semble chercher ses mots, puis il finit par s'emporter pour de bon :

- Alors ça y est ! Vous passez une heure ensemble Mel et toi, rien que tous les deux parce que « vous avez plein plein de choses à vous dire » - il mime des guillemets de façon méprisante en prononçant ces mots – « et ça suffit pour que tu te casses sans rien dire ! Putain, c'est quoi ce bordel ? »

Il a descendu les quelques marches qui nous séparaient et se tient à un peu plus d'un mètre de moi maintenant. Etant de la même taille, nous sommes à égalité pour nous jauger l'un l'autre.

Sur le moment, je ne dis rien : je suis juste abasourdi par son comportement et ses propos. Je devine aisément ce qui le rend furieux : il est dévoré par la jalousie – à l'encontre de qui ? – ça je ne saurais le dire, mais je trouve juste hallucinant qu'il puisse faire ce genre de scène, dans la situation où nous nous trouvons. La seule personne qui aurait une raison de faire une scène, c'est Mel. Ni lui, ni moi n'en avons le droit. C'est à mon tour de laisser la colère m'emporter :

Les étoiles de Persée 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant