Chapitre 2

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Le trajet se passe sans encombre, et dans une ambiance super agréable, au son de vieux morceaux de Nirvana. Il n'y a rien de plus euphorisant que ces chansons, hormis peut-être quelques-unes de Muse. Et pour l'occasion, un peu d'euphorie, c'est de mise.

Connor est en terminale lui aussi, dans un lycée d'Albuquerque. Passionné par le dessin et la peinture, il rêve d'entrer aux Beaux-Arts à Paris, en France – je me dis qu'avec le physique qu'il a, je l'aurais plutôt vu capitaine de l'équipe de foot de son lycée, mais bon.

- Sur son téléphone, il a quelques-uns de ses dessins et de ses tableaux. Et il a apporté son carnet de croquis. Tu pourras juger par toi-même ! Il est super talentueux !

- Mel...

- Mais quoi ? Je ne dis que la vérité ! Sam sera d'accord avec moi, tu verras !

Son père a une agence immobilière, qui fait partie du réseau que dirige le père de Mel : c'est comme ça qu'ils se sont rencontrés, juste après la rentrée. Il me remercie au moins dix fois pour l'invitation avant d'avouer qu'il a beaucoup hésité à accepter car il n'est pas monté sur des skis depuis ses 10 ans.

Mel le regarde en ouvrant des grands yeux, l'air offusqué :

- Mais quoiiiii ?! Tu ne me l'avais pas dit ! Tant pis, on te laissera au club des Miniskis, pendant qu'on dévalera les pentes !

- Ou bien, tu resteras au chalet faire le ménage et préparer les repas ? je suggère en haussant les épaules.

- Alors en fait, je comptais quand même sur vous pour me soutenir et m'apprendre... vous savez, le mot « solidarité »...

- Soli – quoi ? Connais pas !

Il fait mine de me foudroyer du regard dans le rétroviseur, tandis que Mel se retourne et lui prend la main en lui faisant un sourire cajoleur.

- T'inquiète, Babe, je ne t'abandonnerai pas !

Quand je vois le panneau indiquant la sortie pour Pagosa Springs, j'ai l'impression que cela fait à peine 10 minutes qu'on est partis. Les routes ont été déneigées, et nous rejoignons le chalet, niché au creux des pins, juste au moment où la neige commence à tomber en de gros flocons cotonneux.

Je gare la Chevrolet à côté du Pick-up de Lya, en contrebas de la maison.

- Waouh ! Il est magnifique ! Merci encore pour...

- C'est la onzième fois, Connor, je pense que j'ai compris ! Ce chalet appartenait à ma grand-mère. Il est à ma mère et à ses frères maintenant. Nous en profitons tous. J'essaye aussi d'en faire profiter ceux que j'aime, du coup ! Petit, j'adorais venir ici en vacances, quelle que soit la saison. J'y retrouvais mes cousins et nous passions des semaines juste incroyables à courir dans la forêt et construire des cabanes, patauger tous nus dans les ruisseaux, dévaler les chemins en luge, essayer d'attraper les marmottes... Vous verrez, il y a plein de choses à faire à Pagosa. Ma grand-mère a passé les 20 dernières années de sa vie à décorer, embellir, aménager son refuge pour en faire un vrai paradis. Il y a un peu de son âme dans chaque meuble, dans chaque pièce, dans chaque objet. J'aime venir ici, remplir mon corps et mon cerveau de ces jours de bonheur... ça me ressource ! J'espère que ça vous plaira ! »

Quand je me tais, je sens un air de nostalgie flotter dans l'habitacle : Bravo Sam ! Quel animateur d'ambiance ! Wououh ! Ne t'étonne pas s'ils partent en courant !

- Ça me plaira sûrement, surtout si on te voit patauger tout nu dans la neige ! répond soudain Connor en haussant les sourcils avec malice. Sa blague nous sort de la torpeur.

Réprimant un sourire, je réplique du tac au tac « Si tu m'accompagnes, ça se tente ! », et alors que nous sortons de la voiture, Mel pousse un cri strident :

- Mais ça caille dans ce trou ! » hurle-t-elle en sautant sur place. Elle s'empare de son sac et grimpe les quelques marches qui mènent jusqu'à la maison.

C'est vrai que même si l'altitude est sensiblement la même qu'à Santa Fe, la neige, les sommets et les pins rendent l'air plus glacial – je les ai prévenus pourtant !

Connor, quant à lui, ne semble pas vraiment se soucier du temps qu'il fait. Son souffle prend la forme de volutes blanches qui sortent de sa bouche. Il balance son gros sac sur son épaule et m'attend, le temps que je prenne mes affaires et ma guitare.

Nous nous mettons en marche, côte à côte. Je croyais qu'il était plus grand que moi, mais non – nous faisons à peu près la même taille, et devons aussi avoir le même gabarit. J'ai parfois du mal à poser un regard objectif sur moi ; je veux dire, je ne suis pas très sûr de ce à quoi je ressemble. Ses yeux ne me quittent pas – comme s'il devinait mes pensées ; il semble hésiter, puis finalement se lance :

- Franchement, Sam, je suis vraiment content d'être là, même si c'est un peu bizarre. Mel m'a toujours parlé de toi avec quelque chose de... je sais pas. Tu es spécial pour elle. Et franchement, je crois que je comprends. Et je ne regrette pas d'avoir dit oui.

- Merci, Connor. Je vais être franc, moi aussi : je n'étais pas très à l'aise, à l'idée que tu te joignes à nous, OK ? Mais je voulais faire plaisir à Mel, et me faire plaisir à moi aussi en profitant de sa présence, alors... et puis en fait, je me rends compte que c'est cool... Il n'y a aucun problème et je suis plutôt content de te rencontrer... après une pause, je rajoute : finalement ! »

Connor éclate de rire et rétorque en tapotant mon épaule :

- Bon, ben rendez-vous à poil dans la neige alors !!

Les étoiles de Persée 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant