Chapitre 1

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*26 décembre*

Ça y est, les voilà !

Le coupé-sport gris métallisé vient de s'arrêter sur le parking devant l'entrée du lycée. Ils ont plus d'une demi-heure de retard. Mais je connais Mel, et je ne suis pas très étonné. J'ai quand même failli me transformer en glaçon à les attendre !

Elle ouvre la portière et sort de la voiture, prend son sac sur la banquette arrière. Putain qu'elle est belle ! En me faisant cette réflexion, je sers les lèvres, prêt à sentir la morsure habituelle, au fond de mon ventre. Mais non. Rien ! Je crois que c'est vraiment fini. Je suis guéri.

Je retiens un sourire, en la voyant s'approcher, ses longs cheveux blonds au vent, son blouson en daim ouvert sur un chemisier léger couleur crème, malgré le froid de canard de ce matin : je suis trop content de pouvoir l'admirer, la dévorer des yeux, même, sans être complètement anéanti – comme je l'ai été des centaines de fois ces derniers mois.

Ses yeux verts se mettent à pétiller et son visage s'illumine alors qu'elle ouvre en grand ses bras pour me serrer contre elle, laissant tomber son sac à ses pieds. J'enroule mes bras autour de sa taille, et durant une fraction de seconde, j'ai l'impression que je ne devrais pas, que c'est une erreur de scénario. Mais elle pose son menton au creux de mon cou et le picore de petits bisous en riant – elle sait que je déteste ça, alors je ne bouge pas.

- Sam !! Je suis si contente de te voir !! J'en reviens pas à l'idée que l'on passe toute une semaine ensemble !! Ça va être trop bien !

- Salut ma belle ! Moi aussi je suis content ! Non seulement ça fait une éternité que je ne suis pas allé à la montagne, mais en plus, pour passer le jour de l'an avec la Brownies Team enfin réunie, je n'aurais loupé ça pour rien au monde !

Et c'est vrai que je suis heureux. J'ai l'impression que c'était juste hier, ces trois jours de camping ensemble l'été dernier, tous les 4 réunis pour fêter la fin de notre année de première ; on avait fait une orgie de brownies, tout en nous auto-congratulant pour notre vie parfaite et nos résultats irréprochables au lycée. Nous nous connaissions depuis la 6e, et nous étions au fil des ans devenus inséparables, évoluant différemment mais dans la même direction. On avait voulu célébrer cela : la Brownies Team était officiellement née le deuxième soir, sous les étoiles, avant que n'éclate un orage mémorable qui nous avait fait plier les tentes en catastrophe et abandonner ce qui nous restait de gâteaux.

Les mois suivants étaient partis en cacahuète, pour rester dans le domaine de la pâtisserie : Mel et moi avons rompu quelques jours plus tard – je suis toujours incapable d'expliquer pourquoi, même six mois après – les parents de Lya ont divorcé à la fin de l'été, décidant qu'elle irait vivre chez son père à Albuquerque, et à la rentrée, Mel, Jonas et moi nous nous sommes retrouvés dans des classes différentes. Et même si nous avons réussi, avec Mel, à conserver des liens très forts, autant dire que l'été, puis l'automne ont été un vrai purgatoire en ce qui me concerne. Surtout quand elle m'a annoncé, au début du mois de décembre, qu'elle sortait avec un gars. Un autre. Pas moi. Sur le moment, j'ai voulu tout exploser, j'ai eu peur que notre relation ne change et que je ne la perde pour de bon. Mais ça n'est pas arrivé. Et nous voilà, maintenant. Le lendemain de noël, à la veille d'une nouvelle année et nous allons être tous les 4 réunis de nouveau...

Enfin, pas exactement tous les 4, pour être précis.

J'avais presque oublié : Mel ne vient pas seule. Et c'est en apercevant par-dessus son épaule celui qui l'accompagne se diriger vers nous que la mémoire me revient.

Il est grand, cheveux bruns mi-longs, lunettes de soleil sur le nez (je me fais la réflexion qu'il fait à peine jour et que c'est un signe évident de frime) ; un blouson d'aviateur ouvert sur un tee-shirt noir – mais comment font-ils pour ne pas geler sur place ? – et un jean déchiré complètent le look de Connor.

La façon dont il porte le gros sac jeté sur son épaule lui donne une allure sportive et décidée. Je me dis que c'est ça, un beau gosse. Je crois. Je ne sais pas comment il fait, mais c'est le genre de gars qu'on remarque, forcément.

- Salut ! Tu es Sam, j'imagine ? Je ne dis pas ça parce que Mel est pendue à ton cou, hein... » lance-t-il d'un air amusé, en me tendant la main.

Mel me lâche en pouffant de rire :

- Sam, voici Connor, dit-elle en se plaçant tout près de lui d'un air complice.

On se serre la main, puis d'un geste je désigne le Chevrolet garé à quelques mètres.

- On y va ? Lya et Jonas sont déjà en route. J'ai donné les clés à Jonas – Lya est venue d'Albuquerque en voiture et l'a récupéré directement chez lui. On n'aura plus qu'à s'installer devant la cheminée en arrivant ! Parce que vu comme vous êtes fringués, vous risquez d'attraper une pneumonie avant qu'on ait pu faire une seule journée de ski !

Ils rient tous les deux, et tandis que je m'installe derrière le volant, j'entends Connor s'adresser à Mel :

- Va devant ! Ça fait longtemps que vous ne vous êtes pas vus ! Je profiterai du paysage ! » Et tout en lui ouvrant la portière côté passager, il l'embrasse doucement.

Gêné, je détourne les yeux un peu trop rapidement et tourne la clé de contact. Je ne sais pas exactement ce que je ressens. Je ne suis pas en colère, ni même jaloux. Mel a l'air aux anges, et ça me fait plaisir. Je la regarde et lui adresse un grand sourire, pour lui signifier que tout va bien.

Alors elle se penche vers moi et pose un baiser sur ma joue.

- Allez, c'est pas tout ça, mais je voudrais arriver avant la nuit, moi ! » s'exclame mon autre passager.

- OK ! Alors en route pour Pagosa Springs, c'est partiiiii ! », et tout en démarrant, je jette un œil dans le rétroviseur. Connor a repoussé ses lunettes de soleil sur le sommet de son crâne. Je croise un regard noisette rieur et lumineux. Le clin d'œil qu'il me lance me rassure, si besoin était : ça va, il a l'air sympa.

Les vacances vont vraiment être cool.

Les étoiles de Persée 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant