Chapitre 24

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*30 décembre*

Les pleurs et les cris ont laissé la place à un silence pesant. J'enfouis mes poings serrés dans mes poches – et reste immobile un moment après que la voiture a disparu dans la montagne. Les yeux dans le vague, je ne parviens pas à aligner deux pensées cohérentes d'affilée. Ils sont partis. Leur matériel est dans le local à skis – il faudra le rapporter. Ils ont mis leurs sacs dans le coffre. Mel n'avait pas perdu son foulard. Je vais devoir refaire le lit dans la chambre. N'importe quoi.

Je me retourne face à Lya et Jonas qui affichent tous deux un air incrédule et désolé. Je les regarde dans les yeux sans un mot. Longtemps. J'ai mal et je ne sais pas ce qu'il faut faire pour que la douleur cesse. Je suppose, à l'expression de leur visage, que j'ai l'air vraiment pitoyable. Ils ne savent pas quelle attitude adopter ni quoi dire.

- Sam... prononce Lya d'une voix si douce que j'ai l'impression de l'avoir rêvée.

Je l'ignore, me dirige vers la cuisine, en mode automatique ; là, je me laisse tomber sur un tabouret. Accoudé à la table, je prends ma tête entre mes mains : je voudrais pouvoir m'arracher le crâne pour ne plus entendre Mel hurler, ne plus voir Connor disparaître dans la voiture, ne plus être déchiré entre mes sentiments et ma loyauté. Je voudrais remonter le temps pour faire d'autres choix, prendre d'autres décisions : est-ce qu'il était possible d'éviter ce naufrage ?

Évidemment. Nous étions devant la cheminée, assis tout près l'un de l'autre sur le canapé. La chaleur de son épaule contre la mienne. Il m'avait dessiné. Déjà. C'est à ce moment que nous aurions pu...

Non. Je ne regrette rien. Je donnerai même ce que j'ai de plus cher pour qu'on nous laisse encore une heure. Pour revivre les moments que nous avons volés à l'Univers. Pour sentir de nouveau ses mains sur moi. Une boule énorme se forme dans ma gorge en réalisant qu'il n'y a plus que du vide à la place de ses doigts et de ses lèvres, que mes yeux ne le verront plus. J'ai juste envie de hurler et de tout casser. Après tout, c'est le thème du jour, non ?

Stop. Je m'oblige à prendre une longue inspiration – comme me l'a appris mon premier coach de boxe quand j'avais 11 ans, en me concentrant sur le parcours de l'air jusqu'aux poumons. Ça marche : pendant 4 ou 5 secondes, je visualise la circulation de l'oxygène dans mon corps au lieu de penser à ce qui me fait mal. La pression diminue un peu.

- Tu veux un café ?

Je pousse un soupir et relève la tête. Jonas est devant moi, la cafetière à la main. Lya s'est assise de l'autre côté du comptoir, elle remue doucement sa cuillère dans un mug fumant. Elle esquisse un sourire réconfortant.

- Ouais. Merci.

Il remplit une tasse et la pose devant moi, puis il s'assoit à son tour. Ils ne disent pas un mot – je sais qu'ils attendent que je sois prêt. À leur parler. À les écouter. À expliquer. Je mesure quelle chance j'ai que ce soit précisément eux qui m'entourent aujourd'hui. Ils me connaissent. Ils m'aiment pour ce que je suis, avec mon caractère de merde et tout le reste. Ça sera moins difficile. Je ne serai pas obligé de faire semblant. Au moins jusqu'à demain. Demain – si j'arrive jusque-là, une vingtaine de personnes vont débarquer pour faire la fête ! Putain de bordel de merde.

- Au fait, Hermione ? Elle vient ?

- Non, elle ne peut pas. Elle a prévu autre chose avec des copines. Mais tu sais, ce n'est pas grave. J'ai tous les gens que j'aime avec moi, ici.

J'acquiesce en pinçant les lèvres. Je me retiens de préciser : « Sauf Mel ». Qui, en l'occurrence à l'heure actuelle, est loin de compter parmi « les gens que j'aime ». Je saisis ma cuillère du bout des doigts, la tourne et la retourne... tentative dérisoire pour gagner du temps. Il faudra bien que je me décide à affronter la vraie vie... Je finis par lever la tête et les regarder tous les deux.

Les étoiles de Persée 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant