LXI - Elle

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Ce matin, c'est la tête en vrac que je fais le petit déjeuner. Hier, Spencer a soulevé le fait qu'il faut qu'il présente Hope à sa famille. Je ne suis pas totalement à l'aise avec et je voulais lui en parler dès notre retour de promenade hier mais j'ai toqué à sa porte en vain : il n'a pas dormi ici. J'ai essayé de ne pas me demander un milliard de fois où il était, ce qu'il faisait et avec qui. J'ai arrêté à peu près au moment où mon esprit me hurlait « Laura ! » pour la millionième fois. J'ai hésité à l'appeler mais me suis vite ravisée.

Je passe donc la journée en solo avec ma fille, comme on en a l'habitude de le faire chez nous à Holmby hills , à nous familiariser avec ces nouveaux lieux, ce décor, ces odeurs, cette lumière, cette ambiance différente. Dans cette maison si grande qu'il faut crier pour s'appeler et où l'on peut courir tout nu en riant, à la sortie de la salle de bains, quand on refuse de s'habiller tout de suite. Je retrouve un peu d'insouciance dans les yeux bicolores d'Hope et elle est contagieuse.

On décide d'aller se promener dans les rues de Beverly hills et je lui présente le petit coin de paradis unique où les grosses fortunes se réunissent dans la tranquillité lorsqu'on sort de Bel air, où j'ai atterri il y a pas longtemps aussi. Le Uber nous dépose dans une rue animée non loin de chez Spencer. On flâne de longues heures toutes les deux, entre une pause pipi et une pause glace. Je montre à Hope les diverses choses dignes d'intérêts ,les grands hôtels de luxe et les petites maisons aux façades épurées , les artistes de rue et les animaux exotiques qui cohabitent à quelques mètres, les boutiques fashion aux mille couleurs et les lieux communautaires où se massent des hipsters souriants habillés tout en noir.

Je laisse ma fille s'imprégner de cette ambiance bohème, légère, si spéciale, du climat tropical, de toutes les couleurs des gens, de la musique caribéenne qui filtre des magasins et des parfums d'océan qui s'échappent des restaurants.
Je me sens étonnamment bien ici, comme ressourcée, revigorée. Prête à vivre à nouveau.
Prête à aimer, à partager, à recommencer.
Si je ne suis pas la seule... J'en oublie presque qu'Helen m'attend au boulot lundi.

Le soleil commence juste à se coucher quand je rentre à la maison avec mon bébé épuisé d'avoir tant vu... et tant bataillé pour refuser la poussette parce que madame de la haute société voulait marcher. Quand il me voit arriver, Spencer se précipite pour me décharger. Nos bras se percutent, nos doigts s'entrelacent, nos peaux se touchent et se fuient, nos gestes hésitent, nos souffles chancellent et nos voix bégayent.

– Désolée, je...

– Attends, je prends le sac.

–Tu veux que je te... ?

– Tiens Hope, s'il te plaît.

– Attends, je l'ai...

– Je ne savais pas où vous étiez, si je devais vous appeler..., bredouille-t-il, à la fois gêné et tendu.

– On ne va nulle part, réponds-je d'une voix plus assurée. Je ne partirai plus sans prévenir. Et tu as le droit d'appeler. C'est ton enfant aussi.

Je plonge dans son vert-noisette  pour qu'il comprenne que je suis sincère. Que c'est fini, les conneries. Qu'il peut compter sur moi, cette fois.

– C'est ma fille depuis une semaine ..., grogne-t-il en s'éloignant. Je n'ai pas la moindre putain d'idée de ce que je suis censé faire.

Et comme d'habitude comme lorsque je réussis presque à l'amadouer, il reprend ses esprits et son comportement de chien galeux revient au galop. Spencer pose Hope dans sa chaise haute, range la poussette, déballe le contenu du sac à dos, dans des gestes brusques qui témoignent de sa colère, de son impuissance. Je réfléchis à une façon de l'apaiser sans le toucher. De le guider sans le brusquer parce que l'objectif, c'est qu'il se rapproche de sa fille.

The black lady IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant