The black lady II

CVI - Elle

– Mes parents ont divorcé quand j'avais dix ans et ça ne s'est pas bien passé. Mon père avait trompé ma mère. D'après lui, c'est ma mère qui l'avait poussé à le faire. Ce qui est sûr, c'est qu'ils ne se supportaient plus jusqu'à sa mort.

Quoi? Attendez! Sandra est sensée être veuve. Enfin légalement marié au père de Spencer. Comment ça se fait qu'ils aient gardé le se ret durant tant d'années surtout quand on sait à quel point les paparazzis s'intéressent à leur vie.

– Je suis désolée. Ça devait être dur.

– Ça ne s'arrête pas là. Jusqu'à mes douze ans, ils avaient obtenu une garde alternée pour moi. Puis mon père a commencé à fréquenter une femme que ma mère détestait. Elle a donc décidé de l'attaquer en justice pour obtenir ma garde exclusive, ce qui a rendu mon père fou. Lui aussi a donc voulu obtenir ma garde exclusive. Et c'est là que les manipulations ont commencé.

Spencer et Maëlle avaient deux ans d'écart je pense. Et il était le dernier du trio. Je suis tentée de savoir pourquoi c'est à lui seul que son père a légué l'intégralité de sa fortune. Peut être que papa était comme ces espèces de rois du moyen-âge qui voulaient absolument un héritier mâle. C'est la seule conclusion que je tire mais je le garde pour moi et décide d'écouter le reste de sa confession.

– Les manipulations ?

– La bataille pour ma garde a été encore plus difficile à vivre que leur divorce. Ils se servaient de moi pour se faire du mal.

J'écarquille les yeux.

– Comment ?

– Quand j'étais seul avec mon père, il me forçait à lui raconter des trucs sur ma mère. Et elle faisait pareil. Si je me plaignais de ma mère auprès de mon père, en lui disant par exemple qu'elle ne me laissait pas jouer au basket avec mes amis avant que j'aie rangé ma chambre, il envoyait une assistante sociale pour vérifier que je n'étais pas isolé par ma mère. Si je racontais à ma mère que mon père me laissait manger des céréales pleines de sucre avant d'aller me coucher, une autre assistante sociale venait interroger mon père sur ce qu'il me donnait à manger. Tout ça était documenté, car leurs avocats se servaient de ce que je disais.

Mais comment on peut faire vivre ça à un enfant? Je comprend qu'ils veuillent divorcer mais ils l'auraient fait à l'amiable cela n'aurait pas laissé autant de séquelles à Spencer.

– Mon Dieu, c'est horrible.

– Ils s'accusaient de mauvais traitements, de violences psychologiques, de carences nutritionnelles... Je ne pouvais rien leur raconter de ce que je ressentais. J'ai fini par ne plus leur parler de moi pour mettre fin au jeu des reproches.

– Le jeu des reproches ?

– Quand j'étais triste, j'entendais que c'était la faute de mon père. Quand j'étais en colère ? La faute de ma mère. Quand j'étais stressé pour un match ? C'était parce que mon père ne m'avait pas suffisamment préparé. Quand j'avais peur de quelque chose ? C'était parce que ma mère m'avait élevé en mauviette.

Je soupire en me rappelant combien c'était difficile de gagner sa confiance. Je comprends maintenant pourquoi il était si mélancolique, grincheux et toujours dans son coin. C'était un enfant traumatisé par le divorce secret de ses parents.

– Tu n'as pas pu dire au juge avec qui tu voulais vivre ? Je demande. Ça n'aurait pas pu résoudre le conflit ?

– C'est ce qu'on pourrait croire. Je suis allé au tribunal un jour. Enfin, c'était plutôt une salle banale avec des tables, des chaises et une juge.

Il fait la grimace en y repensant.

-Une assistante sociale me tenait par la main, il continue. Elle m'a demandé d'entrer dans la salle et de m'asseoir sur une chaise. Mes parents étaient assis à côté de leurs avocats. Ma mère me suppliait du regard tandis que mon père m'observait avec encouragement, l'air de dire « je sais que tu vas prendre la bonne décision ». Tout le monde me dévisageait. C'était horrible.