XXXIX - Elle

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-Vous avez 7 minutes de retard Mlle Kane-Porter.

Je m'attendais à recevoir une remarque bien placée de sa part quand j'allais débarquer au poste de police et c'est ce qui est arrivé.

En entrant dans le métro, j'ai coincé mon talon dans une espèce de trou métallique. Soit je l'enlevais dans la seconde soit mon pied restait coincé sur le quai. Je n'ai pas réfléchi et j'ai laissé le pied droit de mon escarpin. C'est en tanguant comme une handicapée des pieds que j'arrivais à la boutique de chaussures malheureusement, la gérante fermait et elle a pris un malin plaisir à me laisser sur le trottoir complètement essoufflée avec ce qui reste de ma paire dans les mains. Les bas que j'avais mis empêchaient mes pieds d'être en contact direct avec le pavé glacé mais je commence par avoir froid. Je déambulais donc dans les rues à la recherche d'une chaussure descente mais en voyant l'heure de mon rendez-vous approcher j'abandonnais et m'arrêtais dans une supérette pour prendre des claquettes.

Je n'irais pas à l'université aujourd'hui, pas avec cette dégaine. Je me contenterais de réceptionner les résultats et de rentrer chez moi me réchauffer en espérant ne pas perdre mes orteils tellement j'ai froid.

-Excusez moi lieutenant, j'ai eu un imprévu. Désolée...

-Vous n'êtes pas du tout professionnelle. C'est aberrant, rouspète t-il en pivotant dans son fauteuil pour attraper une enveloppe jaune posée sur son bureau.

Mais il a quoi cet espèce de blond haut perché sur des échasses en plastique? Faudrait qu'il fasse des compromis. Ce matin il a été bien sympa mais comme on le dit, chassez le naturel et il revient au galop.

-J'ai eu un imprévu. Mes plus plates excuses.

-Dites que vous êtes en retard par manque de professionnalisme. Ça sera plus court.

Mon sang me monte à la tête. Sa manie de parler aux gens sans les regarder est très irritante. Il a déjà mis ma patience à bout ce matin et il vient de pousser ce qui en reste.

-Vous pouvez déjà commencer par me regarder.

Il soulève la tête une fois avoir poussé l'enveloppe vers moi.

-J'ai perdu une chaussure en voulant rentrer dans le métro, j'ai dû me balader les pieds nus sur le sol glacé pour trouver des chaussures similaires sans succès. Je me suis résolue à prendre des claquettes en voyant que j'avais tourné une heure de temps pour rien. Alors , lieutenant Carter, ce n'est pas u manque de professionnalisme qui fait que j'ai 7minutes de retard mais juste une très mauvaise succession d'événements et je m'en excuse même si je ne devrais pas parce que je ne contrôle ni le temps, ni le destin.

Sa mâchoire se décroche presque en voyant ma dégaine. J'attrape l'enveloppe posée sur son bureau sans manquer de le remercier et la fourre dans mon sac. Il lève son cul de son fauteuil en me regardant partir.

-Je peux vous déposer si vous voulez...

Son timbre de voix gêné percute dans mes oreilles quand ma main se pose sur la poignée de la porte. Si on met ma fierté de côté c'est une très belle offre qu'il me fait. J'aurais le chauffage aux pieds quand j'y pense. Il faut que je me la joue un peu inaccessible sur ce coup en espérant qu'il insiste.

-Non merci. Je peux me débrouiller.

Et je me retourne pour tourner la poignée.

1...2...3...

-J'insiste .

Yes!

J'esquisse un visage dénué d'émotions alors que c'est le feu de joie en mon for intérieur. Je reviens sur mes pas tout en serrant mon sac dans mes mains.

The black lady IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant