LXVII - Lui

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Il est une heure du matin passée quand le slim noir et le débardeur rose passent la porte. Je ne dors toujours pas. Je fais semblant, depuis le canapé, mais je vois Naya qui chancelle un peu, retire ses sandales qu'elle porte à la main, heurte un meuble, s'excuse tout bas auprès de lui et pouffe de rire en vacillant. Je ne peux pas m'empêcher de me traîner jusqu'à elle.

– Merde, tu es bourrée ?! râlé-je pour le principe.

– Non, à peine éméchée, se marre-t-elle. Je t'ai réveillé ?

– Non, j'allais dormir chez Chloé, improvisé-je, agacé.

– OK... Mais tu devrais peut-être mettre des chaussures avant ! chuchote-t-elle.

Et elle lâche un nouveau rire étouffé en observant mes pieds nus sur le béton ciré. Je lève les yeux au ciel et tente de m'éloigner. Mais elle pose ses pieds nus sur les miens, me grimpe dessus en s'accrochant à mes épaules et gémit sur un ton implorant. Ces derniers temps elle est quelque peu distante avec moi alors je pense que c'est l'alcool qu'elle a ingéré qui lui donne autant d'audace.

– Tu veux bien me porter jusqu'à mon lit ?

– Naya, ne déconne pas !

– S'il te plaît Spencer. Ça tourne...

– Je croyais que tu n'étais pas bourrée.

– Je ne le suis pas, déclare-t-elle gravement en posant ses deux mains sur mon visage. J'ai juste le courage de reconnaître ce que je ressens pour toi. Tu devrais essayer, pour voir.

Je lis dans ses yeux noirs une lueur de défi, une autre de sincérité. Le contact de ses doigts chauds sur mes joues, de ses pieds frais sur les miens, m'envoie des décharges dans tout le corps. Je devrais la repousser. À la place, je croise mes mains sur ses reins pour l'empêcher de tomber en arrière. Elle s'approche pour m'embrasser. J'ai du mal à respirer. Elle sent la menthe et le rhum, le désir et l'été. Elle est explosive comme j'aime. Insatiable et déterminée. Et je cède en fonçant sur sa bouche.

Je la goûte, je la mords, je me sens m'enflammer. Je plaque son corps au mien, ma tête dure contre la sienne, elle gémit entre mes lèvres et je m'entends grogner comme un putain d'animal sauvage.

Maîtrise-toi, bordel de merde !

Étrangement, c'est ma voix intérieure qui me revient en mémoire et me fait redescendre sur terre. Je repousse Naya, qui descend de mes pieds d'un bond. Je croise son regard brillant et je m'enfonce les paumes dans les yeux pour faire cesser l'orage. Je ramasse mes baskets dans l'entrée et me barre en courant. Je m'arrête seulement une fois sur le trottoir, toujours pieds nus, toujours enflammé, essoufflé, pour respirer l'air frais.

– Putain..., pensé-je tout haut. Quand est-ce que je suis devenu ce connard fini ?

Je secoue la tête pour tenter de reprendre rapidement mes esprits. Demain je suis pratiquement sûr qu'elle aura tout oublié alors que moi ça va me ronger. Je mets mes baskets et improvise un footing. Quand je reviens à la maison, Naya est profondément endormie dans le canapé. Elle n'a même pas eu le courage de monter les marches.

Je l'observe longtemps en proie à un dilemme intérieur. Faut-il que je la soulève jusque dans sa chambre ou faut que je la laisse là ? J'ai été si faible que je me suis laissé allé avec elle tout à l'heure et je suis à peu près sûr que je risque de tout foutre en l'air si je la touche encore.

La raison l'emporte sur mes pulsions. Je prends mes clefs de voiture et conduis jusqu'à Pacific palisades. Eliane dort déjà et je sais déjà que demain faudra que je m'explique sur la raison pour laquelle j'ai débarqué dans la nuit. Les têtes dures, ça la connaît et elle aura toutes ses réponses.

The black lady IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant