Des hommes et des femmes que Lyra avait déjà croisées dans les couloirs du palais ou lors de la représentation musicale de Jude de Lior étaient assemblés autour d'une table circulaire. En face d'elle officiait Opale de Lomond, première ministre, duchesse et mère de Lysandre. Lyra avait plusieurs fois échangé avec cette femme et elle lui avait laissé une première bonne impression. Douce, bienveillante, un tantinet bavarde, mais rien de plus normal pour une politicienne. Elle lui avait loué les exploits de son fils pendant bien trois quarts d'heure, comme toute bonne mère fière de son enfant.
À présent, l'image qu'elle renvoyait à la conteuse était celle d'une femme au regard acéré, prête à tout pour faire ployer ses ennemis. Le menton haut, entièrement habillé d'un ensemble bleu nuit surmonté d'un corset et d'une veste de costume sombre, ses cheveux noirs détachés parsemés de mèches blanches, elle était méconnaissable.
— Lysandre, tu peux m'expliquer ? demanda-t-elle, un soupçon de menace dans la voix.
— Mademoiselle Merryweather souhaite rejoindre notre cause. Son père a été fait prisonnier, c'est pourquoi nous ne recevions plus ses lettres, mais à présent que nous avons sa fille de notre côté, les choses sérieuses vont pouvoir enfin commencer.
Lyra était un peu perdue, mais elle mémorisa chaque visage présent, essayant de se souvenir de noms, de titres, d'affiliations. Une fois dans sa chambre, elle décrirait toute la scène, détaillant chaque personne, chaque discussion. Elle pourrait ensuite transmettre les informations à Alphonse, ou encore mieux au Renard directement. Ensuite, elle partirait de cet enfer et retournerait chez elle. Elle n'aurait même pas besoin d'exécuter son plan jusqu'au bout, ce qui l'arrangeait beaucoup, car la deuxième partie n'était pas la plus amusante.
— Un petit oiseau qui sort donc enfin de sa cage, poursuivit Opale. Comme c'est rafraîchissant. Ton père nous a bien aidé. J'espère que tu en feras de même, demoiselle Merryweather.
Opale avait la même façon de parler que son fils. Un ton enjôleur, caressant, mystérieux et un brin moqueur. Elle n'avait pas bougé de son siège, pourtant son aura se répandait dans la salle, rampant au sol, assombrissant les visages des partisans de Childéric, étouffant Lyra.
Cette dernière hocha la tête de haut en bas.
— Je ferais tout pour, Madame.
— Très bien, installe-toi alors, lui ordonna la première ministre tout en lui indiquant une chaise vide autour de la table.
Intimidé, la jeune femme s'installa en silence. Les regards tournés vers elle étaient dubitatifs. Elle sentait bien qu'elle n'était pas à sa place, et ils le lui faisaient bien comprendre. Néanmoins, cette sensation d'inconfort était bien moins désagréable que sa désolante prestation pendant le dîner avec son Altesse et ses invités.
— Si le lion n'entre pas dans l'arène avant l'éclosion du nouveau soleil, nous aurons trop de retard. Et alors le petit poussin se doutera de quelque chose, déclara une femme dont le visage était masqué par un grand chapeau carmin.
— Peut-être, mais la précaution ne vaut-elle pas mieux que la précipitation ? coupa un quinquagénaire moustachu.
Madame de Servalle ou bien de Servay, Lyra avait un doute. Quant à l'homme, elle se souvenait avoir été présentée à lui lors du dîner, un certain Baron Wondler. Elle devait tout retenir de cette entrevue.
Mais elle n'y comprenait strictement rien.
Retiens Lyra, retiens ! Il y a une histoire de lion, de poussin et de nouveau soleil. Mais qu'est-ce qu'un félin et une volaille viennent faire dans cette histoire ? Tant pis, tu trouveras un sens plus tard.
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La Conteuse & le Renard doré - En réécriture
Roman d'amourSi Lyra Merryweather avait commencé à conter, c'était pour faire rêver les gens. Et aussi un peu pour l'argent... Parce que de l'argent, sa famille en avait besoin. Heureusement, sa réputation grandit jusqu'à atteindre les portes du château de Silv...