La soirée était déjà bien avancée. Kayden n'avait pas revu Lyra depuis le petit matin. Quand il l'avait quitté, elle dormait paisiblement sur son lit. Elle s'était accrochée à lui toute la nuit, comme le lierre entourant le chêne, empêchant le pauvre Renard doré de fermer l'œil. Mais pour revivre cette douce insomnie à ses côtés, il était prêt à ne plus jamais dormir de sa vie.
Encore aujourd'hui, il s'inquiétait. La veille, la conteuse lui avait montré un visage découragé, brisé. Comment allait-elle à présent ? Il mourait d'envie d'aller la retrouver.
Impossible. Ils étaient tous deux en territoire ennemi. Si les habitants du château les voyaient ensemble de manières informelles, les rumeurs jaseraient et la mission de Lyra serait compromise, tout comme sa sécurité.
Il avait besoin de sortir prendre l'air. À force de faire les cent pas dans la chambre, la tête lui tournait. Alors, s'emparant d'une chandelle, il sortit silencieusement dans le couloir. La nuit, l'atmosphère du palais était radicalement différente. Tout était calme, comme endormi. Kayden préférait de loin cette plénitude muette à l'effervescence du jour.
Au loin, le piétinement de pas sur le sol marbré brisa la bulle du jeune homme. Puis des chuchotements, l'un grave, la voix d'un homme sans doute. Et l'autre... Lyra. Il reconnaîtrait cette voix entre mille. Plus rauque que celle d'autres femmes, mais douce et surtout aussi fluide qu'un ruisseau glissant sur les roches. Il souffla rapidement sur la flamme pour ne pas se faire repérer.
— Tu es sûr que c'est le bon moment pour parler à ta mère ? Il est tard.
— Justement, c'est le meilleur moment. C'est la nuit que se réunit le groupe, et c'est ma mère qui préside.
Kayden ne comprenait rien à la courte discussion des deux jeunes gens, mais il nota le tutoiement dans leur échange. Quand lui avait osé la tutoyer, elle l'avait giflé. Les deux poursuivirent leur chemin à pas de loup. Le chef de la garde sentait le danger, un danger imminent. Dans quel pétrin Lyra s'était-elle encore fourrée ?
Instinctivement, il les suivit, toujours cachés derrière un pilier, une statue, une tenture... Sa fine taille était parfaite pour ce genre de filature. Ses cheveux roux et son masque doré, bien camouflé sous une large capuche sombre, n'attiraient pas l'attention sur lui.
Ils traversèrent de nombreuses allées, des couloirs de service, des passages dissimulés, sans jamais voir personne. Pour finir, le duc de Lomond s'arrêta devant une porte en bois donnant accès à une pièce circulaire, ressemblant plus à un pigeonnier qu'à une salle de réunion secrète.
Il toqua plusieurs coups, des rapides, parfois plus longs, plus ou moins nombreux. Un code. La porte s'ouvrit sans un bruit. Pas un grincement. Comme si rien d'anormal ne se passait dans l'enceinte du palais. Un rail de lumière éclaira le visage de Lyra et celui du duc de Lomond.
Ce dernier passa sa main autour de la taille de sa voisine pour la faire avancer dans la pièce. Kayden ne parvenait pas à distinguer l'expression de la jeune femme. Était-elle déterminée ? Apeurée ? Confiante ? Il serra les poings, mais ne bougea pas. Ce n'était certainement pas le moment de se faire prendre.
La lumière engloutie Lyra avant que toutes les deux ne disparaissent, une fois la porte de bois refermée.
De nouveau seul, le Renard doré sentit les battements de son cœur accélérés. Il supplia mentalement Lyra de revenir, mais elle ne repassa pas le pas de la porte.
Elle ne repassa jamais le pas de la porte.
VOUS LISEZ
La Conteuse & le Renard doré - En réécriture
RomansaSi Lyra Merryweather avait commencé à conter, c'était pour faire rêver les gens. Et aussi un peu pour l'argent... Parce que de l'argent, sa famille en avait besoin. Heureusement, sa réputation grandit jusqu'à atteindre les portes du château de Silv...