XXII. Lequel de nous ?

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Point de vue Etna

Dans le présent

Je papillonne difficilement des paupières, tentant d'adapter mes yeux à l'immense projecteur qui est braqué droit sur moi. L'odeur qui chatouille mes narines est pour le moins désagréable, je dirais même que c'est à vomir. J'observe les alentours, cherchant à savoir si l'endroit me semble familier. Mais je sais d'avance que non.

Je suis assise sur une chaise, les mains attachées dans mon dos. J'essaye de tirer dessus sans grand succès. Je suis bloquée, complètement bloquée de tous mouvements. Même mes pieds sont enchaînés.

Luciano n'a pas fait les choses à moitié.

J'ignore encore comment je vais faire pour me sortir de ce pétrin, mais une chose est néanmoins certaine, je ne le laisserai pas m'avoir. Jamais. Il n'obtiendra rien de moi, quoi qu'il fasse.

La pièce est sombre, et des gouttes d'eau me tombent sur le visage.

J'essaye de rassembler mes forces,et tout ce que Nino m'a appris. Mais mon esprit est emmêlé, je n'y arrive pas. Je ne comprends pas ce que je fais ici, pourquoi moi ? Pourquoi Vasco ? Toute cette histoire n'a aucun sens.

C'est perdue dans mes pensées que j'aperçois un nouveau projecteur s'allumer. Ciblant quelqu'un en particulier.

Et je l'aurai reconnu entre cent personnes, c'est Vasco !

— Oh mon dieu.

J'étouffe un sanglot. Je n'ai jamais rien vu d'aussi horrible de toute ma vie, qu'est-ce qu'ils lui ont fait subir ? Il saigne de partout, absolument partout. Son visage est gonflé et je n'arrive pas à voir ses yeux. Il est torse nue, laissant apparaître des entailles toutes aussi profondes les unes que les autres, c'est la même chose pour ses cuisses et ses jambes. Lui aussi est attaché de la tête au pied à une chaise poisseuse. Je me focalise sur sa poitrine, cherchant un signe de vie. Mais je ne vois rien, rien du tout. Sa poitrine ne se soulève pas, et je remarque seulement maintenant que sa bouche est entrouverte.

Quel genre de monstre est capable de faire autant d'horreurs ?

— Vasco ! Dis-je en hurlant. Vasco, réveille-toi ! Qu'est-ce que vous lui avez fait ? Répondez-moi !

Aucune réponse. Rien. Juste le silence pesant de la mort. Vasco n'a rien dit. Et ceux qui me retiennent ici non plus.

Est-il... Mort ?

Je secoue la tête plusieurs fois, hurlant de toutes mes forces. Mes larmes dévalent mes joues dans un silence encore plus mortel que tous les autres. Je supplie Vasco d'ouvrir les yeux, je lui demande, encore et encore. Je le supplie de me parler, de me dire qu'il va bien. Mais il ne bouge pas, il ne me répond pas ! Je prend appuie sur mes pieds essayant d'avancer jusqu'à lui en sautillant, mais je perd l'équilibre et je tombe à même le sol. Je suis à bout de force, j'ai besoin qu'il pose ses yeux sur moi une dernière fois. J'ai besoin de voir son regard vert, j'ai besoin de ses mots. J'ai besoin de Vasco, et je n'ai plus honte de le reconnaître.

— Vasco ! S'il-te-plaît. Demandais-je à bout de force, en pleurant. Ne m'abandonne pas, tout le monde, sauf toi. Laisse-moi voir tes beaux yeux.

Après un énième silence, j'ai fermé les yeux. J'ai essayé d'apaiser mes douleurs, j'ai voulu oublier. J'ai pleuré comme une enfant, allongé sur le sol gelé. J'ai prié pour que ma mère vienne me chercher, et j'ai promis de tuer celui ou celle qui s'en était pris à lui. Tout ça, c'est de ma faute. Je n'aurai jamais dû accepter son aide, je n'aurai pas dû le laisser derrière-moi.

— Je vais tous vous tuer ! Un par un ! Dis-je, en hurlant de rage. Vous êtes tous déjà morts !

— Cruco... Tu peux faire moins de bruit ? Ma tête me fait un mal de chien.

ETNAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant