Alice est la première à réagir.
— Un contrat ? demande-t-elle d'une toute petite voix. Genre un vrai contrat ?
Je vais me réveiller, songé-je, le cœur gros comme une orange sur le point d'éclater. J'ai fait ce rêve un nombre incalculable de fois et toujours, la nuit finit par me tirer hors des entrailles de la vie que j'ai moi-même tissées. C'est... Qu'a-t-il dit ? Dark Dream ?
Notre ancien professeur hoche la tête.
— Vous allez recevoir un mail.
— On l'a reçu ! s'exclame aussitôt Mike, après avoir rafraîchi la page sur son téléphone. Attendez, on part sur cinq ans ?
A ma gauche, Caitlin s'essuie les yeux.
— On l'a fait, murmure-t-elle, d'abord pour elle-même.
Puis, elle crie plus fort :
— ON L'A FAIT !
Ses mots provoquent une décharge qui se transmet entre nous. Je quitte brutalement le nuage brumeux dans lequel je me trouvais. Je ne rêve pas. Je ne rêve pas !
Je suis réveillée, et mon rêve aussi. Notre rêve.
Luke se lève d'un bond. Il a les cheveux en bataille, comme s'il venait de tomber du ciel (en réalité, nous venons de sortir des méandres de la terre).
— Mike ! Tu ne retourneras jamais dans cette université ! Alice... toi non plus !
Un air béat flotte sur le visage de mes deux amis. Cette vie, celle dont ils ne voulaient pas, celle qui se profilait devant eux, est en train de disparaître. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même, un vestige d'une possibilité évincée.
Je saute dans les bras d'Alice, et ce n'est qu'en appuyant mon visage sur son épaule que je remarque mes joues trempées de larmes. C'est donc cela, réaliser son rêve ?
Caitlin s'ajoute à notre câlin improvisé, suivie par Mike et Luke. Je m'attendais à me trouver changée, plus accomplie, mais je reste la même personne. Peut-être que cela viendra après ? C'est encore irréel.
Lorsque nous nous séparons, je me tourne vers mon ancien professeur. Debout dans le salon, un petit sourire fier sur le visage, il a l'air aussi heureux que si c'était lui qui allait signer.
Le mot a du mal à sortir de ma gorge comprimée. C'est comme avoir un oiseau enfermé dans la poitrine.
— Merci.
Un mot, qui, comme cela, n'est rien, mais qui veut dire beaucoup. Un simple mot pour souligner son implication, nos efforts, son travail, son aide.
— Vous l'avez fait tout seul. Je n'ai fait que vous donner une opportunité, rétorque-t-il, humblement.
— Et tu es le seul à l'avoir fait.
C'est Alice qui a parlé. Et elle a raison. Il est le seul à nous avoir fourni une aide concrète (au-delà de Dark Fate qui a boosté nos ventes.) (Attendez une minute, est-ce que cela veut dire qu'on va les rencontrer ?) (Mon Dieu, Alice et Mike vont être intenables.)
Thomas, réveillé par tout le vacarme, débarque dans le salon, l'air encore à moitié endormi.
— J'ai loupé quelque chose ?
— On a un contrat ! je crie, en me jetant sur lui.
Il me soulève et me fait tourner, comme quand on était petits, un énorme sourire aux lèvres. (Il sourit tellement que je me demande comment il fait pour ne pas avoir de crampes.)
— C'est merveilleux ! Emmy, c'est ce que tu as toujours voulu ! s'exclame-t-il, rayonnant de joie sincère pour moi.
Je me contente de rire. Je ne sais même pas quoi dire !
Mike toussote. Il a l'air un peu mal à l'aise, mais cette impression disparaît aussi vite qu'elle est apparue, remplacée par sa traditionnelle joie de vivre.
— Il va falloir qu'on réserve un train pour Londres !
— Doucement, Mickey, intervient Caitlin. On ne sait pas encore à quelle date on doit y être, ni même si on va vraiment y rester.
— Cela serait sans doute mieux pour vous, s'immisce Mathieu. À Londres, vous pourrez rencontrer beaucoup de compositeurs, de paroliers et de chanteurs tout en étant à proximité de votre label.
Il n'a pas tort. Néanmoins, tout ceci semble trop parfait. Où est le revers de la médaille ? N'y a-t-il pas un prix à payer ? Je fronce les sourcils. Ne sommes-nous pas en train de nous projeter trop vite ? Nous n'avons pas encore signé notre contrat, et les membres de Dark Fate n'ont pas encore signé quoi que ce soit pour nous. (Alice et Mike ont beau les aduler, on ne les connaît pas !)
— Qu'y a-t-il ? me demande Luke, un air songeur sur le visage.
Évidemment. C'est pénible qu'il me connaisse aussi bien. Je ne peux rien lui cacher (à part ce que je ressens, il faut croire que son super-pouvoir ne fonctionne pas pour ça).
— Ça ne te paraît pas... trop facile ?
Il hausse les épaules, un sourire narquois sur les lèvres.
— Je rêve ou bien tu es incapable d'accepter que la vie puisse te sourire ?
Je croise les bras, une moue boudeuse sur le visage.
— C'est juste que c'est un sentiment étrange.
— Eh bien profitons-en ! s'exclame Caitlin, qui nous a entendus.
Elle passe son bras autour de mes épaules. Son parfum à la violette m'inonde de réconfort. J'oublie mes doutes.
— On a suffisamment souffert, Emmy. Il est temps de s'envoler !
Elle ponctue sa phrase d'un baiser sur ma joue et s'exclame haut et fort :
— A la musique ! A celle qui fait battre nos cœurs à l'unisson !
Je ris encore, les joues couvertes de toiles salées. C'est donc cela ? Pleurer et rire en même temps ? Je veux rester dans cette euphorie pour l'éternité. Oui, l'émotion que nous partageons est magnifique.
~
Bonsoir ! Comment ça va ? :)
Merci d'avoir lu ce chapitre ! N'hésitez pas à me faire part de vos impressions 💜
On se retrouve samedi pour la suite !
Prenez soin de vous ! 🎶🧡🍂
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Le temps d'une chanson (3)
JugendliteraturLivre 3 de la série « plume et musique » /!\ Il est nécessaire d'avoir lu les 2 premiers livres « La musique avant tout » et « Tout pour la musique » L'harmonie : des notes concordantes, des amours envoûtantes mais pourtant déchirantes. Alors qu'E...