⇝ Chapitre 27 ~ Alice

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Épuisée, Alice se laisse tomber sur son lit. La journée a été longue, car aujourd'hui était une journée de tournage. La totalité de leur clip pour Aux rêveurs était filmée. Personne ne lui avait dit que tourner était si fatiguant ! (A la réflexion, si, Kit l'avait bien prévenue mais elle avait consciencieusement choisi de l'ignorer.) Elle ne l'avait revu depuis ce jour-là en studio, où ils avaient discuté batterie et percussion, mais ils s'écrivaient tous les jours.

Alice se sentait bien, elle avait l'impression d'être un avion sur le point de décoller. Les cieux lui tendent les bras, elle a juste à fermer les yeux pour les atteindre.

Ils n'allaient plus beaucoup en studio, à présent que leur EP était terminé. Ils répètent surtout pour leur concert, maintenant que la liste des chansons qu'ils vont interpréter est finalisée. Ils se sont promis de s'aménager un meilleur studio que le petit garage de leur maison, mais en attendant, aucun d'eux n'a de quoi faire un prêt.

En vérité, Alice aimait bien que tout semble avoir changé sans que rien n'ait changé. Elle a toujours chanté avec ses amis, et à présent, elle peut le faire à plein temps. Elle ne regrette rien.

Elle n'a que de l'appréhension concernant la sortie de l'EP. Elle craint que cela ne fonctionne pas. Et si personne ne les écoute ? Et si les critiques sont trop mauvaises ? Et si elle est obligée de retourner à son ancienne vie ? Elle ne serait plus qu'une misérable pièce de vie, enterrée sous les cendres de ses rêves brisés.

Elle préfère ne pas trop y penser. C'est une possibilité, cela ne veut pas dire qu'il faut l'oublier, mais ça veut dire qu'elle peut se produire. A son plus grand damne. Le destin se moquerait bien d'elle si jamais cela se passait ainsi.

Apaisée, elle se laisse bercer par les bruits londoniens. Et lorsqu'elle se réveille, le lendemain matin, une plante a trouvé le temps de grandir dans son esprit. Elle trépigne déjà à l'idée de la montrer aux autres et de les laisser l'arroser.

Elle doit d'abord ronger son frein et attendre que tout le monde soit levé. Mike a beau être affamé, elle sait aussi que c'est une vraie marmotte. Elle prend donc son petit-déjeuner seule, profitant du calme matinal inhérent à chaque début de journée. Ces dernières semaines ne lui ont pas laissé beaucoup de temps pour souffler.

Quand ses amis se lèvent, elle est déjà prête répéter (et surtout à leur raconter son idée). Oh, qu'elle aime cette vie !

— J'ai eu une idée ! annonce-t-elle, sans préambule.

En guise de réponse, Emmy lui offre un regard endormi. Ses yeux sont encore collés par le sommeil et Alice ne peut s'empêcher de rire en l'apercevant.

Concernant cette dernière, elle doit admettre qu'elle est soulagée : elle n'a plus l'air épuisée, ni sur le point de se briser sous un coup de vent trop violent, ni l'apparence maladive. (Alice a d'ailleurs confié à Kit qu'Emmy s'était évanouie à cause de la fatigue, le jour où ils ont affiché leur soutien public au groupe, et qu'elle n'avait jamais été aussi partagée entre la joie et l'inquiétude. Il lui a semblé surpris et a répondu qu'il avait l'impression qu'Emmy est solide. C'est tout le problème, avait pensé Alice, tout le monde croit tout le monde solide jusqu'à ce qu'ils se ruinent la santé – mentale et physique.)

Bref, elle s'éclaircit la gorge et entame gaiement ses explications :

— Je pense qu'on devrait réfléchir à notre prochain projet. Et je sais exactement sur quoi on pourrait se concentrer !

Son sang bouillonne déjà dans ses veines. Elle a hâte de composer à nouveau avec eux.

— Le concert ? suggère Luke, la moue amorphe.

Le temps d'une chanson (3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant