⇝ Chapitre 17 ~ Freddie

45 9 8
                                    

   La lumière des projecteurs diminue tout d'un coup, plongeant la salle dans une ambiance plus tamisée. Freddie retire un bouchon d'oreille pour écouter la clameur. Il vient d'annoncer la chanson. Celle qui les a portés au sommet des ventes, celle qui est rentrée dans le cœur des gens. S'il n'avait pas écrit cette chanson, lui, Kit et Jay n'en seraient certainement pas là.

Un sourire plaqué aux lèvres (le seul acte qu'il autorise à son personnage sombre et ténébreux), il s'installe face au piano avant de laisser ses longs doigts courir sur les touches. Des exclamations de joie accueillent le début de Noirs Phœnix, la première chanson composée par Dark Fate.

Freddie plonge tête la première dans la mélodie, ajoutant sa voix fêlée aux sons graves du piano :

— Ils l'ont brisée, tourmentée, transformée en petits bouts de rien
Ils ont fait de leur cœur le monstre qu'ils percevaient en elle sans imaginer pervertir le sien

La douce mélodie du piano se mue bientôt en un rythme effréné à la batterie et à la guitare. Freddie se lève d'un bond et rejoint le micro central, sous les acclamations du public. Il jette ses cheveux en arrière avant de s'exclamer d'une voix moins douce, mais toujours sans jouer sur ses cassures :

— Ils crieraient, riraient et insulteraient.
Elle attendrait, espèrerait et s'émietterait
En contemplant son être s'effondrer, oh petit ange abîmé !

Il penche le pied du micro sur sa droite et accompagne le mouvement de son corps, avant de prendre le micro à pleine mains et de poursuivre le premier couplet en laissant son corps s'exprimer comme il le souhaite. Derrière lui, Jay se jette presque à genoux sur le sol, ses doigts courant toujours plus intensément sur les cordes de sa basse. Kit, lui bondit un peu partout en se démenant avec sa guitare.

— Tandis qu'un épitaphe prend place sur son visage tuméfié,
Elle proteste, hurle, s'arrache les ongles pour ne pas être enterrée vivante
Mais tous ont les yeux bandés, ce ne sont que des gamineries, rien de bien sérieux

Freddie marque une légère pause avant de chanter à pleins poumons la fin du couplet :

— Arrête de t'inquiéter, d'alerter, rien ne presse, ce n'est qu'un pieu
Qu'ils lui ont planté au milieu du cœur, une morte lente, agonisante !

Quand arrive le refrain, il lâche tout, abandonne complètement son corps à la musique. Qu'a-t-il à perdre après tout ? Il a toujours tout donné lors de leurs concerts, parfois au point de s'écrouler juste après. Mais tant pis ! Rien ne vaut ce sentiment de plénitude, ce relâchement, cet épanchement.

— Ils l'ont brisée, tourmentée, transformée en petits bouts de rien
Ils ont fait de leur cœur le monstre qu'ils percevaient en elle sans imaginer pervertir le sien !

L'adrénaline pulse toujours plus fort dans ses veines quand il entonne leur célèbre texte, toujours accompagné par le public :

— Mais un jour elle lèvera les yeux et leur criera
« Avant je regardais le sol, maintenant je me noie dans les étoiles.
Je suis un phœnix noir, je rends les monstres humains,
J'apporte désespoir et désolation aux démons qui souhaiteraient me voir comme eux » !

C'est ce qu'il a voulu faire avec cette chanson. Apporter du soutien à celles et ceux chez qui les paroles résonnent. La vie est injuste, horrible, ingrate et compliquée. Mais l'Art, voilà ce qui la rend digne d'être pleinement vécue. Cela, il a bien voulu l'admettre en interview.

— Les noirs phœnix sont porteurs d'espoir
De la destruction à l'éclosion il n'y a qu'une cendre !

Le public hurle les paroles en même temps que lui, leurs lampes torches scintillant telles des étoiles hors de portée.

Le temps d'une chanson (3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant