~Chapitre 30 ~

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Émilia

J'arrive à l'adresse que m'a indiqué Paula pour dix huit heures trente, et je reste un moment devant cette petite maison de quartier. La devanture blanche et les volets bleus me rappelle notre ancienne maison. Je ne sais pas si elle l'a remarqué. Elle n'a jamais fait attention à ce genre de détails.

Je toque et la porte s'ouvre immédiatement sur Paula qui m'accueille tout sourire.

— Entre Émilia, on va aller s'installer dans le salon, viens suis moi.

J'entre et jette un regard circulaire pour observer les lieux.
Cette maison m'est si familière, même de l'intérieur. Les pièces semblent être disposées de la même façon que dans celle mon enfance.

Deux portes, fermées, sont disposées le long du couloir. Le salon se trouve juste sur la droite de la porte d'entrée visible car tout comme dans mon ancienne maison on y accède en franchissant une immense voûte et la cuisine est typiquement américaine et ouverte sur la pièce de vie. La seule différence c'est l'escalier, qui même si il se trouve à peu près au même endroit, est en colimaçon et non classique.

— La maison elle ressemble à notre ancienne maison, dis-je pour formuler mes pensées.

— Ah bon ? Elle demande. Je ne m'en souviens pas vraiment, elle répond sur un ton détaché, qui me fait soupirer.

On prend place sur le canapé et elle me sert un verre de limonade du pichet qu'elle a certainement disposé sur un plateau avec des verres avant mon arrivée.

— Merci, dis-je. Ça fait longtemps que tu es avec ton conjoint ? Je demande pour lancer la discussion.

— Je ne savais pas vraiment quoi faire après tous les événements. Tout le monde me pensait morte, il fallait que je me réinvente, que je disparaisse. Alors j'ai roulé jusqu'à Vegas, je suis partie le soir même de l'incendie. Deux jours après mon arrivée dans le Nevada, j'ai été embauché dans un club de striptease. Le patron était sympa et ça payait bien. Puis Tyler est venu avec quelques collègues un soir, pour fêter son entrée dans les rangs de la police, et ça a été le coup de foudre. C'était il y a trois ans déjà.

Elle me raconte son histoire avec une pointe de nostalgie dans la voix. Comme si cette période lui manquait.

— Et on s'est marié l'année dernière, ajoute t-elle en me tendant sa main gauche pour me montrer son alliance.

Moi tout ce que je retiens c'est qu'on s'est donc retrouvée à Vegas pendant un certain temps à la même période, je ne lui dis pas mais cette information me trouble.

— Il s'est passé quoi le soir de l'incendie ? Je demande finalement.

— J'étais avec Henry, on avait allumé des bougies dans le salon parce que l'ampoule avait lâché.

Je me rappelle de cette fameuse ampoule grillée, ça faisait déjà une semaine qu'elle ne fonctionnait plus.

— Il a fumé la dernière cigarette en début de soirée, du coup je l'ai laissé endormi sur le canapé et je suis sortie acheter un paquet. Quand je suis revenue la maison était en flamme. J'aurai dû éteindre les bougies avant de partir, mais je n'étais pas vraiment en état de réfléchir, dit-elle en rigolant brièvement. Bref, quand j'ai vu l'état de la maison j'ai pensé que vous étiez déjà mort, alors j'ai appelé les pompiers en passant un coup de fil anonyme et je suis partie. J'ai appelé ton frère pour lui annoncer la nouvelle, il était effondré Émilia. Et puis comme je te l'ai dit, j'ai roulé jusqu'à Vegas. Avec toute cette histoire, il faut que tu saches que j'ai aussi changé de prénom, je m'appelle Flore désormais et j'ai pris le nom de mon mari Writer, elle me dit toute contente.

Je reste sans voix face à sa tirade et son comportement. Elle semble totalement insensible, sans aucun remords concernant cette soirée horrible qui a emporté son fils, et sa fille, du moins jusqu'à ce qu'elle apprenne que j'y avais survécue. Elle n'a même pas tenté quoique ce soit pour nous sortir de cette maison, pour nous sauver, pour sauver ses enfants. Et elle a annoncé tout ça à Éric par téléphone, j'hallucine.

— Éric me pensait morte alors ? Je demande difficilement.

Elle ricane.

— Oui, au début du moins. Apparement il t'aurait vu le soir même, avant que tu partes avec les ambulanciers. Tu te rends compte de ce qu'il m'a fait ? Il n'a même pas eu la décence de me le dire !

La voir attaquer Éric m'agace, elle le faisait déjà à l'époque. Remettre la faute sur lui alors qu'il a toujours tout gérait et c'est lui qui nous a permis de garder un toit au dessus de notre tête. Ça a toujours été lui l'adulte responsable alors qu'il n'était qu'un enfant.

— Si tu n'étais pas partie aussi vite, toi aussi tu l'aurais su, dis-je avec véhémence. Tu ne peux pas tout lui remettre sur le dos Paula, tu étais censée être l'adulte, tu aurais dû rester et tu aurais dû essayer de nous sortir de cette putain de maison quitte à en perdre la vie ! Tu étais notre mère ! Je hurle.

— Je m'appelle Flore, me reprend-t-elle. Et je t'interdis de me parler sur ce ton Emilia, tu ne sais rien de ce qu'a été ma vie. Je n'ai jamais voulu de cette vie là.

— Paula, Flore, qu'est-ce que j'en ai à foutre de ton prénom. Si tu ne voulais pas avoir cette vie, il ne fallait pas avoir d'enfants, je lui réponds. Je ne resterai pas dîner finalement, j'annonce écœurée de son comportement.

Je me lève prête à partir, quand j'entends :

— Tu nous quittes déjà Lily chérie ?

Entendre l'emploi de ce surnom et le timbre de cette voix me glace le sang, je me fige. Cette voix que j'ai souhaité ne plus jamais entendre, je la reconnaîtrais même après des décennies. Elle hante encore mes cauchemars. Dites-moi que mon cerveau me joue un mauvais tour, que je l'ai imaginé.

Pitié, dites-moi que ce n'est pas lui.

The Night Riders ( réécriture en cours...) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant