Take Care [Alternatif]

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(image de chapitre par moi-même)

Ce soir, comme depuis plusieurs mois, la petite réception mondaine qui se passait dans le jardin de Thomas Cameron avait un goût amer. La vie de ce dernier n'était que tourment depuis le déclin de l'Ordre des Templiers sur Londres. En effet, malgré ses efforts et ses plans aussi brillants que l'avaient été ceux de Taylor, son père, l'organisation avait encore une fois échouée contre la Confrérie des Assassins. Et Victoria s'en était allée du jour au lendemain, en laissant un mot d'adieu, probablement pour soulager sa conscience.

Pour le blond, qui mentait à tout le monde concernant Victoria en disant qu'elle était partie en voyage, c'était une humiliation. Il était persuadé que ses parents, ainsi que Crawford Starrick, se retournaient dans leur tombe tant il les avait sûrement déçu depuis l'au-delà. La plupart des Templiers avaient fuit la ville, refusant d'être tué par la lame de Jacob, maintenant seul à veiller sur Londres depuis le départ de sa sœur en Inde avec Henry Green.

Alors qu'il regardait le monde sourire et discuter autour d'un verre et quelques amuse-bouches, son majordome vint le voir pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille. D'un visage neutre, il passa à de l'étonnement, faussement joué car il le savait... il le sentait.

– Vous en êtes sûr ? demanda-t-il en se tournant vers son majordome.

– Oui, monsieur. Dois-je faire appel à la police ?

– Non, cela ira, Winston. Occupez-vous de la réception, je vous prie.

– Comme vous voudrez.

Le majordome le salua respectueusement, la tête penchée en avant, et se recula avant de revenir normalement sur ses pas. Thomas vida sa flûte de champagne encore bien remplie. Il grimaça avant de reposer le verre vide sur le buffet. Il traversa la foule en s'excusant poliment de les pousser un peu. Il leur souhaita aussi une bonne soirée.

Une fois dans la maison, il soupira de soulagement. Il n'en pouvait plus de voir ce monde lui paraissant maintenant beaucoup trop superficiel, vide, faux. La vie n'avait plus de saveur depuis le départ de Victoria, malgré les souffrances qu'elle lui avait infligé. Il inspira à fond, bombant le torse et expulsa l'air de ses poumons, dégonflant alors sa cage thoracique. Il monta presque péniblement les escaliers. Non pas à cause de l'âge ou de sa sangé. Thomas était encore jeune et en pleine forme. Mais il avait un poids sur les épaules, dont il savait que ce soir, il en serait débarrassé. Il avait hâte d'en finir avec cette vie.

Il arriva dans son bureau. Il se dirige vers la fenêtre, d'un pas lent et tranquille. Il ne manqua pas de voir qu'il restait un peu d'alcool dans la carafe sur le guéridon, à côté du fauteuil. Il se permit de s'arrêter pour se servir en whisky, puis il reprit sa marche vers la grande fenêtre qui laissait pénétrer la lumières des lanternes du jardin. Bien qu'il lui sembla moins attrayant, il apprécia de voir ce petit monde insouciant en bas. Il entendit des ricanements, ou des voix s'élever un peu plus pour être mieux entendues. C'était vraiment une bonne soirée pour les bourgeois, et il était ravi que cela se passait ainsi pour eux. Il but assez rapidement son verre de whisky et le posa sur le bord de son bureau.

Le récipient transparent à peine posé sur la surface du meuble, Thomas entendit un froissement de vêtement, et un bruit que seul le cuir pouvait produire. Sans se retourner, les yeux toujours sur la fenêtre, le blond sentit une présence dans l'ombre derrière lui. Il esquissa un petit sourire en coin, il connaissait cette silhouette qui venait d'arriver dans l'obscurité.

– Bonsoir, Monsieur Frye. Je ne vous attendais plus.

Il ne prit pas la peine de se retourner pour le saluer. Démasqué, il n'était plus utile de rester dans l'ombre pour Jacob. Il s'avança jusqu'au bureau, saluant Thomas avec méfiance. Le Templier le sentit dans la voix de son rival. Lorsqu'il entendit le mécanisme du gantelet s'enclencher, un petit rire secoua brièvement les épaules de l'héritier Cameron.

– Gardez votre méfiance pour ceux qui ont encore quelque chose à perdre, suggéra-t-il.

Jacob détourna légèrement la tête, les yeux — qu'il plissa — toujours rivés sur son ennemi. Il n'était pas sûre de comprendre ce qu'il voulait dire. Thomas se tourna vers son invité en haut-de-forme et s'expliqua:

– Vous avez gagné, Assassin. Vous avez fait fuir les lâches, tué les plus courageux, et vous avez pris ce qui m'était le plus cher à mon cœur.

Il fit le tour de son bureau pour s'approcher du jumeau Frye restant à Londres. Il ne voulait pas attendre plus longtemps. Alors qu'il marcha, il poursuivit:

– Je dois vous avouer que je suis las de tout cela. De cette rivalité, de cette guerre, de toutes ces pertes... de ces gens que nous avons aimé, même à sens unique... J'en ai assez de me battre ou de résister. Alors faites vite, Monsieur Frye, avant que je laisse mon instinct de survie prendre le dessus.

L'Assassin comprit ce que le Templier voulait. Il lui sembla si sincère qu'il plia le coude pour lever sa lame et en approcher la pointe de la gorge de son interlocuteur, qui ferma les yeux, attendant sa dernière heure arriver. Jacob se permit de lui murmurer à l'oreille:

– Sachez qu'elle vous demande pardon pour tout le mal qu'elle vous a fait.

La gorge de Thomas se serra et une larme finit par couler le long de sa joue. Après avoir déglutit, il sentit un objet froid et tranchant traverser rapidement la chair de sa gorge. Il gémit de douleur, les yeux grands ouverts, se plantant dans ceux de l'Assassin. Ce dernier matin le haut du dos et la tête du Templier et s'agenouilla pour l'allonger lentement. Puis il retira sa lame, laissant alors le sang couler lentement sur le tapis. Il resta le temps de l'agonie de son rival.

– Je... je vous envie, Frye... Vous avez eu le cœur de ma femme...

– Elle vous aimait aussi, Thomas... pas autant que vous l'auriez voulu, mais elle ne vous détestait pas. Elle aurait aimé que cela se termine autrement.

– Les choses sont ainsi faites... Même si cela a été difficile pour moi de l'accepter...

– Maintenant que vous êtes en train de mourir, vous semblez l'accepter... Pourquoi ?

– Parce que je l'aime, Jacob. Mourir l'esprit tourmenté ne me dérange guère, même si cela me mène en Enfer. Tout ce que je veux, c'est qu'elle n'ait aucun regret... qu'elle n'ait pas le poids de la culpabilité sur le cœur.

Un pique de douleur fit grimacer Thomas. Il sentit que sa fin était proche, il n'avait plus beaucoup de temps. Il puisa dans les dernières forces pour poursuivre ce qu'il avait à dire, le temps du reste de sa vie.

– Dites-lui que je lui pardonne tout, et que je l'aimais malgré tout...

Jacob était compatissant envers Thomas. Il eut un pincement au cœur en voyant le Templier agoniser dans ses bras. Il déglutit avant de lui répondre:

– Je lui dirai, promit-il.

Thomas commença à étouffer bruyamment dans son sang, qui envahissait le reste de la gorge avant de se déverser sur le tapis qui en était imprégné.

– S'il vous plaît, Jacob, put-il articuler avec peine. Prenez... soin d'elle...

Le brun n'eut pas le temps de répondre. La tête blonde tomba sur le côté, le regard vide de toute vie. Il posa entièrement le corps à terre et resta quelques instants à ses côtés.

– Je prendrai soin d'elle.

Il le regarda pendant quelques secondes avant de sortir son mouchoir blanc pour le maculer du sang du Templier. Il le rangea ensuite dans la poche intérieure de son manteau. Avant de se lever, il ferma les yeux de Thomas. Il retira sa capuche pour mettre son haut-de-forme puis il abandonna le cadavre de l'époux de Victoria.

Une fois dehors et éloigné de la demeure de Thomas Cameron, Jacob soupira de tout ses poumons après avoir regardé le ciel. Il se pencha en avant, s'appuyant sur ses cuisses pour inspirer à fond et expirer l'air qu'il avait ingurgité. Il se remit droit et passa les mains sur son visage et laissa tomber ses bras, qui se balancèrent. En finir avec les Templiers de Londres était un soulagement pour lui. Même s'il savait que l'Ordre se ferait petit et discret à l'avenir, il ne devait pas se laisser aller, qu'il devait continuer de veiller sur Londres, sans être distrait par l'amour qu'il éprouvait pour Victoria et pour l'enfant qu'elle portait. 

AC Syndicate: Isolated Files [OS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant