Une étrange sensation me parcourt le dos, et clairement, je n'aime pas ça. Je secoue la tête, tentant de chasser ce malaise. L'eau froide du lac de Denker m'enveloppe, me rappelant les jours heureux de mon enfance. Je me conditionne à sortir de l'eau et à me rhabiller. Je travaille ce soir, et si je suis encore en retard, j'en connais une qui risque de bouder. Je soupire et fais une dernière longueur, profitant de la tranquillité du lieu.
Le lac de Denker fait partie intégrante de mon enfance. Avec mes parents, on y allait souvent pour pique-niquer, car peu de gens connaissaient son existence. On y était tranquille, tout allait bien en ce temps-là. Je devais avoir sept ans. J'étais heureuse, tout me semblait beau et la vie paraissait simple, sans embûches. Maintenant que j'ai ma moto, j'y vais seule. Mon père refuse d'y retourner depuis que ma mère ne vit plus avec nous. Je passe quasiment tous les jours à son appartement pour ranger un peu, jeter les bouteilles vides, laver le linge sale...
Je fais ce que je peux pour l'aider à s'en sortir. Pendant que je me rhabille, je remets en question ma décision d'avoir pris mon propre appartement. Mon père a besoin que quelqu'un soit là pour lui. Un nœud me serre la gorge. Ce soir après le travaille, je passerai pour en discuter avec lui. Pour l'heure, je me prépare à aller bosser.
JOUR 1, soir
En arrivant au bar, je sens immédiatement l'agitation familière. Le brouhaha des conversations, le tintement des verres, la routine. Je passe derrière le comptoir et commence à m'occuper des commandes.
– T'es en retard, me lance Nelly avec un sourire en coin.
– Je sais, excuse-moi.
Elle rit en servant un client.
– Ça va, mais demain ne me fait pas le coup, et fais-moi le plaisir d'éviter de te faire casser le nez. J'ai accepté qu'on échange, mais ce n'est pas pour avoir ça sur la conscience !
Je plaque une main sur ma poitrine, faisant semblant d'être outrée.
– Ton manque de confiance en moi me désole.
J'attache rapidement ma tignasse brune en couette tandis que Nelly ricane. Elle me regarde faussement terrifiée avec ses grands yeux clairs.
– Je reviendrai entière, promis. Merci encore d'avoir accepté d'échanger nos horaires.
– Ouais, mais avoue qu...
– Bonsoir, trois whiskys s'il vous plaît.
Nelly est interrompue par un type blond baraqué qui me dit vaguement quelque chose. Il ne perd pas de temps avec moi et commence son numéro de charme sur Nelly. En même temps, ça ne m'étonne pas. Nelly représente vraiment la beauté rebelle incarnée. J'observe ses yeux acier en amande qui transperceraient volontiers n'importe qui oserait entrer dans la profondeur de son regard. Beaucoup de personne se fourvoient sur ma meilleure amie, pensant qu'elle est seulement belle et gentille. Mais sous ses airs de blanche neige et de poupée en porcelaine, il faut ouvrir les yeux pour voir sa vraie nature : des piercings par-ci par là, une farouche tendance à se rebeller contre l'autorité et un esprit créatif comme on n'en fait plus. Le fantasme de tous les hommes : belle, intelligente, rebelle, humble, passionnée et créative. Une vraie âme d'artiste indomptable.
– Tu finis à quelle heure ? Je voulais aller au ciné en plein air, mais j'irais pas sans toi, je crois.
Nelly me regarde d'un air "il est audacieux celui-là, je valide".
– Si t'es aussi patient que culotté, je termine dans vingt minutes.
Une lueur troublé passe dans le regard du grand blond. Il ne s'attendait surement pas à une réponse aussi positive. Elle est comme ça Nelly : quand elle valide elle ne fait pas semblant. Elle est entière. Tout sourire, ces deux-là sont déjà en train de se bouffer des yeux, sûrement à se demander ce qui les retient de se sauter dessus pour se dévorer. Je ris. Ça a l'air si facile...
VOUS LISEZ
BOXING HEART (En réécriture)
Roman d'amourLara et Eli. Deux écorchés vif au passé sombre qui n'avaient pas prévu de se tomber dessus. Boxeurs, loups solitaires, l'alchimie est instinctive, sauvage. Il a vécu un drame, elle aussi. Malgré la vie qui ne fait pas de cadeaux, vont ils réussir à...