Chapitre 12 Eli

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- Tu foutais quoi ? Sérieux ça fait deux heures qu'on t'attend.

Paul et Chris crient, leurs manettes à la main en train de s'exciter sur l'écran. Ma seule obsession réside dans ce foutu camping qui approche. Si Laetitia décide de se pointer et c'est ce qu'elle fera, je sens que le plan parfait que j'imagine pourrait devenir un cauchemar. Je grimace en repensant au scandale de Laetitia à l'hôpital et au visage décomposé de Lara qui a assisté au spectacle. J'espère avoir l'occasion de m'expliquer, mais en attendant... Je tire une clope de mon paquet et l'allume. Des flashs d'hier me reviennent en tête. Lara sur moi. Je tire une latte. Lara et sa bouche. Seconde latte. Lara et ses yeux droits dans les miens. Deux grosses lattes. Quand elle a accepté mon invitation pour le camping, j'étais soulagé qu'elle ne me refoule pas.

Mike, qui est sorti de l'hôpital il y a quelques jours, est avachi sur le canapé avec son atèle.

Il enchaîne sur un sujet qui m'intéresse vraiment.

- Par contre, pas comme l'année dernière au camping... j'aimerais me rappeler la soirée cette fois.

- On évite les champis...

Ces trois couillons ricanent. Moi, je me rappelle que ça ne m'avait pas spécialement enchanté, car c'est précisément le lendemain, quand j'étais à deux grammes, que je suis rentré chez moi et que j'ai vu Laetitia se faire troncher par l'Antiquité. Donc même si j'avais passé une soirée digne de ce nom... Il n'y a que ce souvenir qui me revient quand mon cerveau se rappelle cette période-là. Ça m'avait fait mal. Il y a quelques mois, l'idée qu'elle soit présente au camping m'aurait perturbé, mais aujourd'hui, je dois bien reconnaître que je n'en ai plus rien à foutre. Tout ce qui compte pour moi, c'est que Lara soit là, et qu'elle comprenne bien que Laetitia ne compte plus pour moi.

- Lara vient ? Demande Paul.

- Pourquoi tu demandes ? Tu sais très bien qu'elle vient, d'ailleurs Nelly l'accompagne.

Je me rappelle la vitesse à laquelle ces deux-là se sont entichés. Paul, avec ses cheveux blonds et son corps d'athlète, sait comment attirer les filles. Mais c'est elle qu'il voulait ce jour-là, et visiblement pas que pour une nuit.

- Nelly vient, mais franchement pour Lara, rien n'est sûr hein... Ça serait vraiment con non ? La pique de Chris me tape sur le système.

- Elle fait ce qu'elle veut, je suis pas son gars.

Mes potes se regardent entre eux et se foutent royalement de ma gueule, y compris Paul qui me défendait jusqu'ici.

- Arrête, ça fait des mois que tu bandes pour elle, tu nous prends pour des cons ou quoi ? Continus Chris.

– Il n'a pas tout à fait tort... murmure Paul en me jetant un coup d'œil insistant.

– J'avoue que tu l'as beaucoup fixé pendant les cours. Genre vraiment beaucoup.

- Foutez-moi la paix...

Je reste impassible malgré la perspicacité des gars. Je ne dis rien pour ne pas me porter l'œil. Ne jamais vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, et dans mon cas, mon ours est un dragon et la tuer est la dernière chose que je souhaite. J'ai plutôt envie de lui faire du bien. Je regarde l'heure et ne tarde pas trop, j'ai un truc à faire.

                                                                                              *

Je m'arrête à l'appart et m'apprête et descend dans mon garage pour prendre ce dont j'ai besoin. Je le décroche et le fourgue directement dans ma voiture. Je suis sûr d'une chose : j'en connais une qui va sourire si fort que je pourrais tuer pour revoir ça tous les jours. Je ferme le coffre et m'engage rapidement sur la route. Si je n'avais pas l'esprit totalement pris par Lara à fantasmer sur sa réaction, j'aurais surement vu l'homme se jeter devant ma voiture. Je pile de justesse et sous le choc, je ne réagis qu'au bout de quelques secondes. Je m'apprête à sortir de la voiture pour vérifier que l'homme va bien et n'a rien de casser. Puis je me rends compte avec dégout qu'il s'agit de mon géniteur.

- Mais putain, t'es malade !

Je sors de la voiture en vitesse et le dégage de devant, sous les regards choqués de certains passants. Il pue la vodka, mais je n'en ai rien à foutre.

- Tu... tu..

Il titube et manque de trébucher

Il n'arrive même pas à parler, et moi, je me demande ce que je fous encore à attendre ce qu'il va dire.

- Tu m'as volé petit enculé !

Il se jette sur moi et m'entraîne violemment dans sa chute. Je me crispe et ma tête fait un rebond sur le trottoir. Putain c'est pas passé loin de la nuque... je me relève furieusement et cherche quelque chose à frapper rapidement avant de le défigurer. Mon poing part tout seul dans la fenêtre qui explose. J'ai la main en sang.

- Et merde... Je la secoue pour enlever les morceaux de verre. Je dois m'éloigner sinon je sais que je vais le frapper. Et pas doucement. Je viens de bousiller une fenêtre pour cet enculé incapable de porter ses couilles, hors de question que je gaspille autre chose pour lui. Je le prends par le col de sa chemise crasseuse et le regarde droit dans les yeux.

- Ne refais jamais ça, "papa".

Je rentre dans la vago sans lui laisser le temps de riposter, et démarre en vitesse en prenant soin de bien le raser de près sous des regards choqués comme si c'était moi le monstre.

L'adrénaline coule dans mes veines comme une drogue, mais je sais que je dois trouver un moyen de relâcher cette tension autrement.

J'attrape mon téléphone quand je l'entends vibrer et répond direct. Pat.

- Je voulais juste savoir où tu as rangé la pince étau...

- Sur l'étagère de droite tout en haut. Je réponds tellement sèchement que Pat capte tout de suite que quelque chose ne va pas.

– Qu'est-ce qu'il y a ? Je soupire. Inutile de mentir, il ne va pas me lâcher sinon.

– J'ai failli écraser mon vieux, là, il y a 30 secondes. Le silence qui suit ne me dit rien qui vaille.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Complètement bourré, comme d'hab. Il s'est jeté sur ma caisse et a commencé à gueuler. Je l'ai dégagé de devant et... ça a failli partir en couille...

- Merde... tu vas bien ?

Je ris nerveusement. C'est la réaction de Pat, pas de la compassion, mais une sincère inquiétude mélangée à une pointe de sarcasme.

- Ouais... J'ai défoncé ma fenêtre.

- Passe au garage, on a des vitres, j'en ferais passer une pour défectueuse.

– Je paierai, c'estest bon.

– C'était pas une question Eli, bordel.


Je soupire. Quelle tête de mule lui aussi. Pat reste silencieux un moment, et ce silence est presque apaisant. Comme si son absence de mots disait plus que n'importe quelle longue conversation.

– De toute façon aujourd'hui, je ne peux pas, j'ai un truc à faire.

– Un truc ? Une fille, tu veux dire.

Je reste un peu comme un con. Je n'ai jamais parlé de Lara alors comment le sait-il ? N'y a-t-ilil personne qui ne soit pas au courant que je suis obsédé par cette meuf ?

– Ouai.

- Elle a l'air d'avoir une bonne influence sur toi. Amusez-vous bien. Et fais-moi le plaisir de te protéger.


Je fronce les sourcils et grogne en guise de réponse. Je l'entends éclater de rire juste avant de raccrocher. Je reprends la route, moins tendu, mais toujours avec l'image de Lara et son sourire en tête.

BOXING HEART (En réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant