La nuit était tombée, et Ben faisait les cent pas dans sa chambre. Le carnet neuf dans les mains avec les quelques crayons. Plus qu'il n'avait eu en quelques mois. Ce geste abîmait légèrement la barrière qu'il s'était fixé, laissant place aux réels sentiments plutôt que la comédie qu'il s'était entendu de jouer. Des sentiments trop rapidement construit à son gout. Il sortit de la pièce, déterminé à récompenser ses efforts d'acting et d'entretenir sa haine envers elle. Il entra sans toquer, tombant nez à nez avec elle. Une fille qui semblait différente. Des cernes étaient présents, mais camoufler, il ne savait comment. Il lui demanda s'il pouvait entrer, elle hocha simplement la tête, préférant le silence et les gestes plutôt que les mots. Ben scruta la chambre de la jeune fille, un mur blanc cassé était rempli de dessin, juste au-dessus de son bureau, là où elle écrivait ses lettres et lisait. Une pile de livre stationnait sur le bois brun. Elle avait déplacé le canapé, et mit un fauteuil en face de la cheminée. Elle s'expliqua.
— Pour... la lumière.
— Merci. Installez-vous. Tranche-t-il sans attendre.
Elle s'assied, regardant le garçon préparer son matériel. Elle fut curieuse et demanda.
— Depuis quand dessinez-vous ?
— Depuis que ma main parvient à faire des traits. Explique-t-il en taillant la mine du crayon avec un couteau. Elle hocha la tête, ne sachant pas quoi dire d'autre. Il vit sa gêne, et tenta une discussion.
— Vous vouliez faire quoi ? Avant ?
— Un métier ?
Il hocha la tête.
— Eh bien... sûrement dans l'archéologie. Ben rit, et dit un peu surpris.
— L'archéologie ?! Je m'imaginais autre chose.
— Comme ? Demande-t-elle amusée.
— Infirmière. Ou quelque chose en rapport avec l'armée.
— Car je vous ai dit que j'enviais votre place ?
Il hocha la tête amèrement. Mais Aliénor se rectifia.
— Lorsque j'ai voulu dire ça, c'est plutôt que j'enviais votre facilité. Par rapport à votre sexe. Nous les femmes ne pouvons pas choisir d'un claquement de doigts de rentrer dans l'armée, et de faire des études prestigieuses pour espérer être élevé au même titre qu'un homme.
— Donc j'ai en face de moi une progressiste souhaitant que la vie change du jour au lendemain ?
— J'aurai aimé que la vie change du jour au lendemain... mais malheureusement, cela est impossible.
— Totalement Luna. La société prend du temps à se mettre en tête les nouvelles choses. Et ce n'est pas en me pressant les couilles que cela va changer.
— Je me suis excusé pour ça. Se justifie-t-elle.
Il releva un sourcil et dit.
— Pourtant, je sens encore votre main sur mes bijoux, je vous assure, et croyez-moi, c'est tout sauf agréable. Aliénor rit, ne sachant pas s'il fallait rire ou pleurer. La première option semblait la plus sage dans ce moment. Ben reprit sa concentration et dit à la jeune fille.
— Merci, pour les crayons et le carnet. Ne bougez plus.
Elle se figea, lui donnant l'accès à tous les traits de son visage. Il jonglait du regard entre la feuille, et la jeune fille. Aliénor se sentit soudainement différente, un sentiment étrange naquit dans tout son être et ne cessait d'accroître lorsqu'il posait ses yeux sur sa peau afin de les retranscrire sur le papier. Ben lui, n'avait pas ce sentiment. Seulement la joie de pouvoir la dévisager entièrement, sans qu'on ne lui fasse de reproche, ni d'allusion. Même si le silence perturbait légèrement, il faisait du bien, et ne les gênait pas vraiment. Mais Ben engagea une conversation.
VOUS LISEZ
L'homme qui a fait pleurer la Lune
RomanceEn 1944, alors que la France vit ses dernières heures sous l'occupation nazie, Aliénor Denis mène une double vie. Sous le nom de code Luna, elle fait partie de la Résistance active, œuvrant en secret pour libérer Paris des forces allemandes. Courage...